Au début, il y avait Kodak Black. Après surgit Glokknine, dont on eut l'impression qu'il était son clone. Puis vint le tour de Robert Lee Perry Jr., alias LPB Poody, et cette fois, on avait encore plus franchement le sentiment qu'il était une réplique de Glokknine. Ce qui était somme toute logique, puisque c'est auprès de ce dernier que cet autre habitant d'Orlando s'était d'abord manifesté, avant que les deux rappeurs ne se fâchent. Mais en réalité, ce qu'on voyait défiler sous nos yeux avec tous ces gens de Floride, ce n'était pas une suite de copieurs et de pilleurs, mais une nouvelle école de rap à part entière, qui offrait de la place à plusieurs talents.
Avec ses quinze morceaux longs en moyenne de deux minutes, la mixtape sortie en 2018 par LPB Poody l'a démontrée. De prime abord, elle dévoile un nouvel avatar de Kodak Black. La coupe de cheveux est la même, et la voix nerveuse et aigrelette est très proche. C'est le même ancrage dans la rue qu'il souligne avec le titre de son projet (un banal Streetz Callin) et avec son pseudonyme, LPB, Light Pole Baby (soit Bébé Lampadaire). "Tout ce que je rappe, ouais, ils s'en porteront garants, c'est ce que je vis. Je ne fais qu'illustrer mon propos pour que voyez les choses telles qu'elles sont", dit-il sur "What It Is", avant de nous dévoiler toutes les facettes de sa vie de petite frappe : les armes, l'argent, le sexe, la drogue, les potes emprisonnés, les rivalités de gangs, les grossesses juvéniles, l'impossibilité d'accorder sa confiance à autrui.
Streetz Callin, c'est la vieille histoire du gamin qui en a déjà trop vu, avec une légère coloration jamaïcaine (la musique de "Shake Sum" vient de là-bas, "Extortion" utilise un extrait du film "Shottas", avec Ky‑Mani Marley), qui rappelle que l'île est toute proche. Mais LPB Poody a des morceaux de premier choix : comme avec la mélodie entêtante de "What It Is", la mélancolie paranoïaque et chantonnée de "Trust Issues" et le piano trépidant du bien-nommé "Kill The Beat". Et ses références remontent à plus loin encore que Kodak Black, comme le démontrent "Ice Cream Man", quand il traite de criminalité avec des paroles et des mélodies enfantines, à la façon de Gucci Mane, "Switched Up" et "Struggle", qui partent dans un blues rap à la Boosie, ou bien "No Lolz", une version accélérée du "Ambitionz Az a Ridah" de 2Pac (qui serait une attaque contre Glokknine). Il n'est pas un clone, mais avec les autres Floridiens, le fier représentant de la dernière évolution de ce rap-là. Il est le nouveau rejeton prodige d'une longue lignée.
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