L'une des premières passions de Niatia Kirkland, ce fut la danse. La New-yorkaise en a vécu un temps, et pendant cinq ans, elle a fait partie du jury de America's Best Dance Crew, une émission de MTV destinée à élire les meilleurs danseurs du pays. Il est donc logique que le titre qui l'a fait connaître, "Lip Gloss", ait été fait pour les clubs. Ce tube de l'été 2007 était très minimaliste, la rappeuse s'y offrait même une strophe sans musique. On n'y entendait que des percussions, en plus de paroles inconséquentes consacrées à son brillant à lèvres et célébrant les marques Mac et L'Oréal. A l'écoute d'un tel morceau, au vu aussi de sa collaboration avec Avril Lavigne sur le titre "Girlfriend" et de sa brève intégration à TLC en lieu et place de Left Eye (qu'elle avait incarnée en 2013 dans le biopic consacré au trio), il était évident que le domaine de Lil Mama, ce serait celui de la hip-pop, de la variété rap, de la musique grand public.
C'est en tout cas dans cette direction qu'allait son premier album. Sorti en 2008 dans la foulée de "Lip Gloss", avec le renfort d'une armée de producteurs (dont des pointures comme Cool & Dre, Scott Storch, T-Pain, The Runners et Dr. Luke), VYP Voice of the Young People comptait bien donner un successeur à son tube. Tel était sans doute le sens de "One Hit Wonder", l'un des premiers morceaux du disque : avec sa musique rythmée et ses paroles fières, Lil Mama comptait être autre chose que la fille d'un seul tube. Elle en tentait donc une poignée d'autres.
C'était le cas dès le début, quand elle usait d'un refrain chanté par Chris Brown et de l'Auto-Tune de T-Pain sur "Shawty Get Loose", quand elle s'aidait du même encore sur "What It Is (Strike A Pose)", ou quand elle apportait des sons très Dirty South à la comptine "The Wheels on the Bus", sur "G-Slide". Ça l'était aussi à la fin, avec les cuivres puissants de "Make It Hot", puis avec le très club "Pick It Up". Et quand elle ne cherchait pas à faire danser, Lil Mama jouait sur la corde sensible, comme avec "Broken Pieces", où elle nous parlait d'une relation toxique sur fond de guitare langoureuse, avec "Swim", où elle s'imaginait en petite sirène condamnée à une romance impossible, et avec la jolie chanson d'amour chantée "Truly In Love".
Lil Mama faisait des chansons accrocheuses pour le grand public. Et pourtant, elle n'avait pas toujours vu la vie en rose. Son pseudonyme, elle le devait au fait que, fille aînée de sa famille, elle avait dû élever ses frères et sœurs pendant que sa mère luttait contre un cancer du sein, Sans domicile, sa grande fratrie vivait alors dans des foyers. Passée la salve de singles du début, et avant qu'elle ne dévoile sa face sentimentale, ce passé difficile transparaissait. “Stand Up”, par exemple, chroniquait la vie délicate du ghetto. "L.I.F.E." passait en revue tout ce qui y allait de travers : l'addiction de sa mère, les grossesses adolescentes, la violence domestique. Et ce "College" magnifié par le joli refrain de Yirayah, parlait de visites à son père en prison.
Ces titres, les plus sombres derrière les paillettes, étaient parmi les meilleurs de l'album. Et peut-être est-ce pour cela, et parce que son label ne sut pas capitaliser tout à fait sur le succès de "Lip Gloss" (l'album fut repoussé maintes fois), que ce VYP Voice of the Young People tout à fait honnête ne rencontra pas totalement le succès escompté. Par la suite, prise en tenaille entre ses prestations télé et ses quelques expériences d'actrice, et compromise par un incident notoire avec Jay-Z et Alicia Keys (à leur grand mécontentement, la rappeuse les avait rejoints sur scène sans y être invitée), la carrière musicale de Lil Mama se montra plutôt erratique.
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