Le White Girl Mob a fait long feu. Ce groupe de rappeuses blanches a vite explosé en vol, et ses deux membres les plus visibles, sa chef de file Kreayshawn, et V-Nasty (celle-là même qui sortit un projet avec Gucci Mane), ont disparu des écrans radar. La seule qui soit restée, c'est Jordan Capozzi, alias Lil Debbie, la plus intéressante du lot, celle qui, après avoir figuré sur le titre manifeste de Kreayshawn "Gucci Gucci", avait été éjectée du trio. La Californienne a rebondi très vite en s'acoquinant avec l'inénarrable Riff RaFF, en sortant quelques titres populaires sur YouTube et en étant vantée par des poids lourds comme Snoop Dogg. Puis, de Keep It Lit en 2012 à Bay Chronicles cette année même, elle n'a cessé de sortir des projets. La plupart, à vrai dire, se sont toutefois montrés décevants, à l'exception peut-être de celui qui porte son nom.
Dès le commencement de Debbie, sur "Can't Sit Wit Us", la rappeuse assume seule l'héritage du White Girl Mob, déclarant effrontément "still M-O-B no creation" (ou "Kreayshawn", faut-il entendre). Son numéro de vilaine fille, elle le poursuit seule, quitte à parfois le surjouer. Cet album, en effet, est une suite d'ego-trips insolents, de piques envers des rivales qu'elle estime ne pas être à la hauteur, et d'autres titres tout aussi acrimonieux. C'est un cri de vengeance que Lil Debbie résume sur "Feel Good". Seuls s'écartent de ce registre le léger "Tell Me", une chanson d'amour ghetto accompagnée par le chant de Njomza, et ce "Turn Em Out" où la rappeuse vole les amants des autres pour leur donner un aperçu de sa supériorité sexuelle.
Ailleurs, le discours est si homogène qu'il en est exténuant. Mais heureusement, des titres se démarquent par leur aspect dansant hérités des styles hyphy ou ratchet, comme "Cake Up" et "My Level". Quelques curiosités rompent aussi la monotonie, comme ce "Whoop" bizarre avec son refrain entonné à l'Auto-Tune par Starrah. Certains passages de cet album se montrent même supérieurement efficaces, comme "Damn", "F That", ainsi que le conclusif "I'm On".
Longtemps, dans la société américaine, on a attendu de la fille blanche qu'elle soit sage, prude et respectable. Le modèle contraire, celui de la femme insolente et dévergondée, le passé esclavagiste l'a dévolu aux Noires. Aussi, pour la première, n'y a-t-il pas de transgression plus évidente que d'épouser la musique de l'autre, que de passer la frontière, que de se montrer libérée et incontrôlable. C'est exactement ce à quoi Lil Debbie s'est toujours employée (montrant la voie, selon elle, à l'ancienne égérie Disney Miley Cyrus). Et contrairement à d'autres, elle y est parvenue, elle est crédible. "Last chick standing from my past clique, probably 'cause I'm real, no plastic", dit-elle à juste titre sur "I'm On" : je suis la dernière meuf de ma vieille clique encore debout, sans doute parce que je suis vraie, pas en plastique.
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