A la fin des années 90, après le triomphe des New-yorkaises Lil' Kim et Foxy Brown, il était temps que leur hip-hop à forte teneur pornographique revienne chez lui, en Floride. C'est donc en toute logique sur les terres du 2 Live Crew qu'une autre rappeuse pousserait à son comble cette formule désormais éprouvée : un joli minois, une grande gueule, des propos salaces, un goût prononcé pour le lucre, une attitude insolente de femme dominatrice et une indéniable aisance verbale. A tout cela, depuis son apparition avec Trick Daddy sur le single "Nann Nigga", Katrina Taylor ajoutait un humour plus tranché encore, une voix de vilaine fille et les rythmes sautillants qui ont toujours convenu au rap de Miami. En l'an 2000, parée de ces atouts irrésistible, celle qui se présentait comme la salope la plus bonne (Da Baddest Bitch, s'intitulait effectivement son premier album), lançait une des carrières les plus durables du rap féminin.
Trina, en effet, peut se targuer d'une certaine constance. En tout cas pour ce qui concerne l'ensemble de son œuvre, ses albums, pris individuellement, étant souvent inégaux. Le second toutefois, Diamond Princess, mérite des égards particuliers. A première vue, c'était la suite directe de l'album précédent. Sur l'introductif "Hustling", la rappeuse commençait par se présenter comme une spécialiste ès-fellations, entre autres joyeusetés. Sur le dialogue lubrique de "B R Right" elle demandait à ce qu'on lui embrasse le cul. Sur "Nasty Bitch" et sur "No Panties", elle n'usait des hommes que pour les raisons suivantes : les détrousser de leurs biens, en retirer du plaisir sexuel, voire les prostituer à son avantage. Et sur "100%", ce qui se rapprochait le plus d'une romance, elle déclarait : "j'aurais pu faire l'amour, mais ce que je voulais c'était qu'on me baise". Et bien sûr, les singles clubs bondissants étaient présents aussi, comme "Told Y'All", tout comme les influences latines sur "I Wanna Holla" et "Get This Money", des influences attendues en de tels lieux, de la part de cette rappeuse d'origine dominicaine.
Cette fois, pourtant, Trina était la seule maîtresse à bord. Contrairement à Da Baddest Bitch, où on lui avait demandé de rapper sur des sons choisis par d'autres, elle prenait le contrôle, jusqu'à promouvoir une réplique de sa personne sur "Kandi", avec une Lil' Brianna alors âgée de 10 ans. Elle marquait aussi son entrée dans la cour des grands, en conviant tout un tas de gens venus d'ailleurs. Certes, son invité sur le principal single, "Told Y'all", était un Rick Ross encore méconnu à l'époque, mais les autres étaient des notoriétés. Par exemple, la rappeuse s'était acoquinée avec Missy Elliott, qui produisait "No Panties" et qui rappait sur "Rewind That Back", un morceau assez déjanté pour ressembler à l'un des siens. Et on retrouvait également Ludacris, Fabolous, Eve le temps du féministe "Ladies 1st", ainsi, derrière les manettes, que Just Blaze et un jeune Kanye West. La rappeuse convoquait d'autres figures encore, extérieures à sa région, notamment quand elle transformait le "No More Questions" d'Eazy-E en "Hustling".
Ici, sur des titres comme "How We Do?" et "Do You Want Me?", les humeurs dansantes et les envies de flamboyance du rap de Miami rencontraient celles que connaissait le hip-hop grand public de l'époque. Trina se lançait aussi dans des exercices qui n'avaient plus rien de floridien, comme le R&B langoureux de "100%". Elle le faisait même quand, avec l'autobiographique "U & Me", elle était secondée par les producteurs du cru Cool & Dre. En quelque sorte, avec Diamond Princess, la rappeuse cessait d'être une artiste régionale typique du label Slip-N-Slide, pour devenir ce qu'elle serait pour longtemps : une star d'envergure nationale, un jour à deux doigts de se marier avec Lil Wayne, un autre prête à collaborer avec Run the Jewels ; l'une des grandes dames du rap, même si le terme se prête si peu à son allure très dévergondée.