Shawnna s'est d'abord fait connaître par la filière sudiste. C'est en effet via Ludacris et son label, Disturbing tha Peace, qu'elle a rejoint Def Jam. C'est grâce à un duo avec lui, "What's Your Fantasy", qu'elle a attiré l'attention en 2000, puis à un autre single en commun, "Stand Up", en 2003, qu'elle a été l'une des rares rappeuses numéro 1 aux USA. La jeune femme, cependant, provenait de Chicago. En 1999, en tant que membre du duo féminin Infamous Syndicate, elle avait même sorti un album, Changing the Game, avec deux producteurs emblématiques de sa ville : No I.D., et un Kanye West alors méconnu. Par ailleurs, histoire de confirmer son ancrage local, Rashawnna Guy était la fille d'un des plus illustres bluesmen du cru : Buddy Guy.
L'origine géographique de Shawnna se traduit aussi, quelque part, par les styles déployés sur son premier album solo, Worth tha Weight. Sorti en 2004, ce dernier est représentatif de cette période où le hip-hop grand public succombait aux sons venus du Sud. Mais il l'est tout autant du rap de cette ville, Chicago, qui n'a eu jusqu'à l'ère drill aucun style prépondérant, préférant être un creuset, un point de rencontre pour des influences venues de tous les Etats-Unis. Et de fait, tous les grands noms de la production de l'époque (ou de son proche futur) ont collaboré à ce disque, comme Kanye, mais aussi Just Blaze, Timbaland, Jermaine Dupri, Bangladesh et Terrace Martin. Et les rappeurs présents venaient eux aussi d'horizons divers, Midwest (Twista), Côte Est (N.O.R.E.), Sud (Ludacris), Virginie (Missy Elliott), et même Canada (Kardinal Offishall).
En bon blockbuster national, Worth tha Weight mangeait à tous les râteliers : boom bap aux accents soul sur les deux épisodes de "My Chicago", funk et rock sur "U Crazy", rap suave et jazzy sur le sensuel "Super Freak", R&B sur "So Real So Right" et "What Can I Do", avec Missy Elliott, rap rétro avec une mise à jour du "Kickin' 4 Brooklyn" de MC Lyte ("Kick This One"), puis accents jamaïcains avec "Block Reincarnated" et le titre bonus "Dude" avec Beenie Man et Ms. Thing. Aussi, signe des temps, l'album était dominé par des morceaux très clubs, comme "Let's Go", "Turn It Up", un remix de "Posted" (l'original datait d'une compilation de Disturbing tha Peace, Golden Grain) et un "Shake Dat Shit" fort d'une production typique de Timbaland.
Missy Elliott et ce dernier ne faisaient pas que collaborer avec Shawnna, ils influençaient aussi son style, jusque dans ces onomatopées hoquetées qui parsemaient certains titres. La rappeuse de Chicago ne s'en distinguait que par son côté garce plus prononcé. En bon disque grand public, Worth tha Weight était bien produit, Shawnna s'y exprimait avec adresse et professionnalisme. Cependant, revers de la médaille, il était aussi trop calculé, trop suiveur, trop dans l'air du temps, pour avoir un impact durable, et pour gagner sa place au panthéon du rap. Mais comme souvent en pareil cas, avec des singles comme "Shake Dat Shit" et "Weight a Minute", cet album nous offrait des tubes. Et c'est une raison suffisante pour s'en souvenir.
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