Khia Chambers est née à Philadelphie. Mais à 11 ans, c'est en Floride qu'elle s'est installée, dans ce pays de soleil et de stupre marqué par la culture des strip clubs et par le rap salace de 2 Live Crew. En toute logique, c'est donc dans cette voie qu'elle s'est engagée en 2002, et de la plus belle des manières, avec le succès du single "My Neck, My Back (Lick It)". Lil' Kim, Foxy Brown et Trina, les rappeuses en vue des années précédentes, avaient certes occupé avant elle le terrain de la pornographie ; qu'à cela ne tienne, la rappeuse de Tampa le faisait elle aussi sur ce titre, mais sans tourner autour du pot, de manière encore plus crue, ajoutant aux hymnes au cunnilingus, désormais banals et habituels, une promotion très explicite de l'anulingus.
Porté par une mélodie indolente et par les rythmes électro de la Miami-Bass locale, et une fois remanié en une version plus sage et plus radiophonique, ce single allait être un tube national, et même international, deux années plus tard, grâce à son succès tardif en Grande-Bretagne. Khia entrait ainsi dans l'histoire du rap. Elle sortirait ensuite plusieurs albums, et elle poursuivrait une carrière qui l'amènerait à collaborer, de manière assez attendue, avec Trick Daddy et avec Gucci Mane, mais aussi avec Janet Jackson pour le single "So Excited" ! Et aujourd'hui, elle est toujours active, et même très présente, avec sa grande gueule, sur les réseaux sociaux. Néanmoins, Khia est toujours perçue comme la chanteuse d'un seul tube.
Ce statut est plus ou moins confirmé sur Thug Misses, son premier album. Produits par Taz, Plat'num House et Don Juan, ses titres suivaient le même schéma que son tube. C'était de la musique sautillante remplie de phrases slogan et conçue pour les clubs. Sur un autre single de l'album, "The K-Wang", Khia promouvait même sa propre danse. Elle se servait à nouveau de cette musique entrainante pour parler de sexe, comme sur "I Know You Want It", mais aussi pour afficher son pédigrée de thug, avec les agressifs "Fuck Dem Other Hoes" et "Jealous Girls".
Ces deux brûlots étaient destinés à ses rivales, mais elle s'en prenait avec autant de vigueur aux hommes, sur ce revanchard "Remember Me" qui sonnait comme du rap gothique de Memphis. Khia les jugeait volages et peu fiables sur "Don't Trust No Nigga", et elle les traitait comme de la viande sur "Fuck Dem Fuck Niggaz". Sans rompre tout à fait avec ses sons électro, elle s'engageait aussi, avec plus ou moins de réussite, dans des parenthèses sentimentales comme cet autre single, un "You My Girl" dédié à sa mère décédée un an avant son succès, et "We Were Meant to Be", une déclaration d'amour à un homme marié à une autre, deux morceaux dont les refrains R&B débordant de pathos étaient entonnés par Markus Vance.
Placé dès le début de Thug Misses, "My Neck, My Back" en était la principale attraction. Le reste pourtant, quoique toujours dans le même esprit récréatif et insolent, était assez divers pour ne pas lasser. Tout n'était pas à jeter, malgré de trop nombreux interludes et ce curieux "For My King", un titre de spoken word accompagné de chants d'oiseau. Jusqu'au finale tout en chinoiseries de "When I Meet My King", un titre léger et réussi où la rappeuse partageait son idéal amoureux, c'était un album plaisant. Mais Khia a pâti un peu trop vite des préjugés défavorables qui ont longtemps pesé sur (rayez la mention inutile) les femmes, les rappeurs du Sud, ceux qui préfèrent la danse aux propos sérieux qu'aiment décortiquer les critiques, et ceux qui se focalisent sur ce thème, pourtant le plus crucial et le plus universel : le sexe.
Fil des commentaires