Basée à Brooklyn, Junglepussy est le pur produit d'un New-York bohème, éclairé et branché. Son parcours en témoigne. Avant de se lancer dans le rap, en effet, c'est d'abord par la mode que Shayna McHayle a été tentée. Son nom, la chatte de la jungle, en porte d'ailleurs la marque (au-delà de la connotation sexuelle, il témoigne de sa passion pour les imprimés léopard). Et puis ensuite, après avoir été révélée par Erykah Badu avec "Cream Team", une ode aux stripteaseuses, on l'a vu côtoyer le fantasque Le1f, ardent défenseur de la fierté homosexuelle.
La fierté, l'affirmation de soi, c'est aussi la préoccupation de Junglepussy sur Satisfaction Guaranteed. Cette première mixtape est avant tout un manifeste féministe. La pochette, le titre, laissent d'abord entendre que la rappeuse s'offre aux hommes. Cependant, même si dans des égo-trips érotiques comme "Nah", elle proclame sa supériorité au lit, c'est en fait tout le contraire. Dès le premier titre, un redoutable "Want Some Mo" entonné en duo avec le rappeur Hotel Mel, Junglepussy prend le pouvoir sur sa vie sexuelle, voire sur son partenaire. Sur "Picky Bitch Checklist", elle déclare choisir ses amants de manière très sélective. Elle est possessive et dominatrice sur "Fuck Texting". Et si elle s'en prend brutalement à ses consœurs sur "Bling Bling", c'est parce qu'elle leur reproche de se soumettre aux hommes. Tandis qu'elle, comme elle le précise en introduction de "Satisfaction Guaranteed", préfère s'affranchir de leur tutelle.
La satisfaction que Junglepussy nous garantit sur cette mixtape, c'est avant tout la sienne. Son sujet, comme le déclare l'introspectif morceau conclusif, "Me", c'est elle. Satisfaction Guaranteed est un immense égo-trip, rempli de mots d'ordre hédonistes et matérialistes, entonné avec orgueil, agressivité et une assurance qui fait des miracles sur des titres comme "Ready 4 Action". C'est en fait, tout du long, un propos et une posture typiques du rap, mais appropriés par une femme ; voire par plusieurs, comme dans le cas de "Curve 'Em", une collaboration avec Tink, la rappeuse de Chicago, ou dans celui de "Mi Nuh Care", où intervient brièvement Dai Burger. Ce féminisme, Junglepussy le démontre encore quand, sur "Me", elle fait part d'un panthéon musical constitué de femmes influentes : les rappeuses Foxy Brown, Lil' Kim et Missy Elliott, la chanteuse Brandy, la star du dancehall Patra, et bien sûr Erykah Badu.
Pour amplifier le propos, et avec l'appui de Shy Guy (un collaborateur de Joey Badass), Junglepussy privilégie des sons de tous bords. Ceux-ci dans la tradition locale, sont parfois riches en samples, à l'occasion jazzy ("Me"). Mais ils sont aussi très électroniques ("Fuck Texting", le freestyle bonus de "Satisfaction"), bizarres ("Curve 'Em"), ambient ("Kick It"), voire expérimentaux ("Mi Nuh Care"). La rappeuse aime aussi rappeler ses origines caribéennes à travers les rythmes de "Bling Bling", ou avec les intonations et le patois des îles de "Mi Nuh Care". Tout cela est en fait une suite d'incartades musicales audacieuses, parfaitement logiques de la part d'une rappeuse qui s'emploie constamment à montrer qu'elle n'a pas froid aux yeux.
Fil des commentaires