Il y a toujours, pour tout genre musical, un moment où l'on devient trop conscient de son héritage, où rien ne peut se définir autrement qu'en référence au passé. En ce qui concerne le rap, ce phénomène n'a rien de neuf, mais il s'est amplifié quand, au début des années 2010, une nouvelle génération a pris les commandes ; quand, pour la première fois, le rap a vaincu toute concurrence, et qu'il a été produit par des jeunes dont les parents eux-mêmes en avaient écouté. L'une des manifestations de cette nouvelle ère fut le revivalisme tous azimuts du Raider Klan, qu'Amber Linwood, alias Amber London (ou Vmber London, si on se conforme à la calligraphie usée par le collectif), son représentant féminin, a illustré sur la sortie qui l'a révélée.
On a souvent présenté la bande à Spaceghostpurrp comme des gens obnubilés par une seule musique : celle inventée à Memphis au milieu des années 90, et dont Three 6 Mafia aura été le représentant le plus notoire. Ce n'est pas totalement infondé. Amber London, d'ailleurs, cite la rappeuse historique du groupe, Gangsta Boo, comme une influence majeure. Mais elle n'est pas sa seule source d'inspiration, loin s'en faut, comme en témoigne cette mixtape intitulée 1994 EP. Cette jeune femme née en 1992 l'a elle-même admis : elle a voulu se réapproprier la musique écoutée par sa mère dans ses jeunes années. Et celle-ci a couvert un périmètre large.
En bonne Texane, la rappeuse a été exposée bien sûr au son de Screwed Up Records. Elle use donc du style chopped & screwed sur l'interlude "Cant Fuck With Me" (des versions de son projet se terminent même par un remix de DJ Screw, celui qu'il avait fait du "Straight Up to the Menace" de MC Eiht). Amber London s'illustre aussi dans le mélange de rap et de R&B apparu en ces années-là, sur "Steelo". Mais c'est un autre style majeur des années 90, qui se montre ici le plus présent : celui de la Californie. Les sonorités funky, le tempo relax, le phrasé coulant et la posture insolente sont en effet, souvent, celui du g-funk. C'est flagrant dès l'introductif "94 Cool Shit", ou bien sur "Four Twenty", le morceau qui l'a fait connaître, en 2011, et qui s'inscrit dans la droite lignée de cet hédonisme gangsta popularisé autrefois par ce sous-genre.
Et il est des moments où la copie surpasserait presque l'original, comme dans le cas du morceau le plus remarquable de tout le projet, "Low MF Key", un titre tellement bon que Spaceghostpurrp l'avait choisi pour ouvrir sa mixtape God of Black Volume 1 et qu'Amber London a choisi d'en livrer ici deux versions. Avec ses touches de piano aux couplets et sa sirène caractéristique au refrain, avec sa glorification d'un art de vivre fait de virées en bagnole, de consommation de weed et de flingues portés à la taille, il n'est pas loin de la perfection, confirmant que, dans le cas du Raider Klan tout du moins, le revivalisme a parfois eu du bon.
Fil des commentaires