Au début de la décennie 2000, quand Bun B les prend sous son aile, les noms de Lil Boosie et de Webbie sont indissociables. Les deux rappeurs, qui ont sorti plusieurs albums en duo, sont les emblèmes de la scène rap de Baton Rouge. Des années plus tard, toutefois, la donne change : le premier, désormais appelé Boosie Badazz, est une immense référence du rap du Sud, et en 2014, à sa sortie de prison, il est accueilli comme le messie. Tandis que l'autre, qui a connu des démêlés judiciaires similaires, est relégué au second plan.
Il est un temps, toutefois, où Webbie bénéficie d'une grande attention. C'est en 2008, avec Savage Life 2. Porté par le single "Independent", son plus grand succès, comportant la bluette R&B syndicale ("I Miss You"), comptant la participation de poids lourds comme Bun B (bien sûr), mais aussi Pimp C, Birdman, B-Real, Mannie Fresh et un Rick Ross alors en pleine ascension, ce second album bénéficie d'une certaine couverture médiatique ; même si les critiques, pas tous acquis au rap de là-bas, se montrent plutôt mitigés.
La voix de Webbie, certes, n'a jamais été remarquable. Elle est même quelconque. Quand, comme sur "Independent" et "Thuggin'", son compère Lil Boosie surgit de nulle part avec son timbre nasillard et son rap sorti des tripes, le contraste est dévastateur. Comparé à lui, l'autre parait fade.
Pourtant, Webbie a des atouts. Il y a notamment ces paroles, que ces critiques qui valorisent toujours les mauvais critères jugent alors plus matures et responsables qu'autrefois. C'est le cas avec le single "Independent", un manifeste inattendu pour l'indépendance des femmes. Ca l'est aussi avec "Just Like Me", quand le rappeur s'inquiète de voir son fils suivre la même voie que lui : celle, glissante, de la délinquance.
Derrière un épais rideau de propos hédonistes où Webbie joue au m'as-tu-vu ("Fly As An Eagle"), glorifie sa vie de gangster ("Thuggin'", "A Miracle"), célèbre le club et les filles faciles ("First Night") ou pousse à fond le volume de la musique dans sa voiture ("Six – 12’s"), se retrouvent les commentaires sociaux que l'on entend aussi, parfois, chez Lil Boosie. Webster Gradney Jr, qui a eu la même vie difficile que son compère (il a perdu sa mère à neuf ans et connu le parcours de survivant entrevu sur "You A Trip"), en retire les mêmes envies effrénées de jouissance autodestructive, mais aussi les mêmes peines, et la même sagesse des rues. Les deux, en fait, proposent un rap tout à la fois extatique et angoissé, ils s'appuient sur cette alliance des contraires qui, de tout temps, a toujours abouti à la meilleure des musiques.
Mais qu'on ne s'y trompe pas. Ce qui marque le plus les esprits sur Savage Life 2, ce n'est pas la profondeur des textes. Indépendamment de leur orientation, immorale ou "consciente", c'est la musique, mélodique, dansante et immersive, héritée de celle de Mannie Fresh, et adaptée à Baton Rouge par Mouse On Tha Track. Malgré les contributions très réussies des autres (BJ avec la guitare entrainante de "I'm Hot" et les trompettes triomphatrices de "You A Trip", l'inhabituellement mélancolique "I Know" du maître lui-même, Mannie Fresh, avec Young Dro), l'atout de ce disque qui mérite d'être réévalué, c'est son principal producteur.
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