Aucun autre groupe que The LOX n'a été associé à ce point au format mixtape. Dès sa fondation dans les années 90, le trio de Yonkers composé de Sheek Louch, Styles P et Jadakiss livre ses plus grands titres et freestyles sur ce support. On les retrouve sur les projets des plus grands DJs, S&S, Funkmaster Flex, Whoo Kid, Stretch Armstrong, Kay Slay, Green Lantern, et surtout DJ Clue. Ils organisent aussi leurs propres sorties, avec les LOX Family agencés par DJ Self. Et plus tard, ils prennent le même chemin que 50 Cent, en sortant tous les trois en solo de quasi albums parallèles, dont la série des Ghosts et des Phantoms de Styles P, qui aboutiront, en 2010, à une sortie commerciale avec Green Lantern.
Si ce format parallèle convient tant à The LOX, c'est qu'ils sont, assurément, le groupe de mauvais garçons ultime. Ils le sont tant qu'ils ont voulu couper les liens avec Bad Boy, le label de leur protecteur Puff Daddy, jugé trop pimpant, trop nouveau riche, pour se fondre dans l'imagerie de motards des Ruff Ryders. Ce côté infréquentable est toujours aussi manifeste, quelques années plus tard, sur Ghost In The Shell, une mixtape que certains considèrent comme la meilleure de David Styles, alias Styles P, ne serait-ce que pour la présence de "Kill That Faggot", un titre emblématique de l'homophobie congénitale du rap. Son mot d'ordre ("tue ce pédé", tout de même…), souligné par des bruits de flingue, ne se décline toutefois qu'avec le refrain, le morceau étant, pour l'essentiel, un égo-trip sale et générique, sans cible précise, amplifié par un piano glacial et redoutable.
La rue, ses règles, ses dangers, sa dureté, son argent mal acquis : tout tourne autour de ces thèmes, dans une ambiance sinistre très new-yorkaise. Son rôle de survivant du ghetto, Styles P le joue sur le mode de la fanfaronnade, avec force gros sons, comme sur cet "I Don't Give A Fuck" avec The LOX au complet, ou bien sur un ton triste et réflexif, comme sur "I-95" et le très bon "So Hard", tous deux avec le chanteur Tre Williams. D'autres titres que "Kill That Faggot" détonnent, comme "What Up" et "D-Block Niggaz", construits aussi sur un piano menaçant, un étincelant "Call My Name" aux accents soul, un somptueux "Immortal", un "Leaving The Game" serti de chants féminins, et une réappropriation du "They Reminisce Over You" de Pete Rock.
Et au bout du compte, si l'on oublie les longueurs et les gimmicks infâmes de Supa Mario, le DJ en charge de cette sortie, Ghost In The Shell s'approche de la qualité d'un album.
PS : comme souvent avec les mixtapes, la version mise à disposition sur Spotify est expurgée, et donc très incomplète.
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