Il fut un temps où un grand avenir semblait promis à Tyrone Rivers. Apparu dans l’ombre de Killer Mike, sur le grand I Pledge Allegiance To The Grind II, celui qu’on appela d'abord Gangsta Pill, puis simplement Pill, connut son heure de gloire à partir de 2009. Ses mixtapes lui valurent alors de figurer dans la promotion 2010 des Freshmen, de côtoyer d'autres valeurs montantes telles que Freddie Gibbs, et de rejoindre Warner, en même temps que le Maybach Music Group de Rick Ross. On verra ainsi les deux hommes délivrer un dévastateur "Pac Man", dans l’esprit de l'époque. Et puis, après 2012, plus rien. Plus rien du tout.
Pill annoncera quitter son label sur Twitter, avant de s'effacer de ce média. Il est réapparu pourtant, il y a quelques mois, confirmant comme on l'imaginait, qu'il avait passé du temps en prison. Mais ce retour s'est fait dans l'indifférence. Pill a laissé passer le coche, il est venu allonger la longue liste des rappeurs à mixtapes sans lendemain. Cependant, ces dernières restent, et elles valent encore un détour ou deux.
C'est le cas de la première, sortie avec DJ Burn One, celle qui lui a valu les éloges d’André 3000 et qui contient "Trap Goin' Ham", tube underground construit autour d'un sample des Beastie Boys, à l'origine du buzz autour de Pill.
Viral et efficace, ce titre a marqué pour le rap un certain retour à la réalité sociale, sa vidéo ayant été tournée dans les quartiers délabrés d'Atlanta, et mis en scène ses vrais habitants : dealers, glandeurs et fumeurs de joint. Le rappeur a cherché à témoigner de son parcours dans la pauvreté et la détresse sociale, chacune de ses mixtapes contenant, outre une allusion à la drogue et aux médicaments, le numéro de l'une des nombreuses adresses où il a habité. Il est vrai que Pill a passé une jeunesse particulièrement glauque, à érer d'un logement à l'autre, suivant une mère toxicomane qu'il a fini par retrouver morte, sur le sol de sa salle de bain.
"Trap Goin' Ham" est une introduction adéquate à Pill. Il revèle des sonorités sudistes, très naturellement, mais aussi une agilité verbale pas toujours associée à Atlanta, ainsi donc que ce reportage sans glamour sur la vie du ghetto.
Ces qualités se retrouvent ailleurs sur 4180: The Prescription. Tout y est bon, que le rappeur s'exprime sur des sons neufs, ou qu'il s'en approprie d'autres, archi-cramés comme celui du "I Got 5 On It" de Luniz, ou récents comme le "Driving Down The Block" des Kidz In The Hall, le "Single Ladies" de Beyoncé, ou le "Nike Boots" de Wale, transformé en "Trap Boots". Beaucoup de ces titres n'excèdent pas les deux minutes, entretenant un sentiment d'urgence qui rappelle Killer Mike (présent, et toujours aussi flamboyant, sur "The Work's Hard"), malgré une voix sensiblement différente.
Le destin de Pill aussi, sera distinct. Au moment où son collaborateur rencontrera la reconnaissance, lui, un temps perçu comme un espoir du rap, sombrera donc dans l'oubli.
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