En 2009, Lil Boosie est encore une figure régionale, connue surtout pour "Wipe Me Down", un titre conçu avec trois autres ressortissants de Baton Rouge : Foxx, son compère Webbie, et le producteur Mouse On Tha Track. Il y est si associé que, pour attirer l'attention, il a ajouté le nom de ce morceau au sous-titre de sa première mixtape sortie en cette année très prolifique : Superbad. Ce projet, cependant, a un contenu plus riche et plus varié que ce tube éponyme, caractéristique d'un rap sudiste hédoniste conçu pour les clubs.
Certes, la mixtape contient surtout des morceaux dansants et endiablés. Mais Boosie recourt aussi à des mélodies tristes, comme avec "Chill Out" et la flûte baladeuse de "Aint the Same Nomore". Ou il use de notes de guitare sur "Long Journey" et à des nappes de synthé sur "Lawd Have Mercy", deux moments introspectifs où il en appelle au Très-Haut.
Et même quand sa musique suit le rythme soutenu du rap local, des agréments rompent la monotonie, comme les chants à l'Auto-Tune caractéristiques de T-Pain sur "Take You Down", les chœurs gospel de "What Must I Do", les arpèges R&B de Bobby Valentino sur "Nobody", les accents caribéens de "If U Get In The Way" (à l'origine, un titre de Kevin Gates, alors inconnu) ou les refrains screwed de "Cadillac", l'extrait remixé d'une collaboration avec Tony Yayo.
Aussi, à revers de l'inconséquence souvent associée au rap sudiste, Lil Boosie a des choses à dire. Sur "Pain", il parle de ses blessures, avec cette posture de mauvais garçon sensible qui lui a valu d'être comparé à 2Pac. Et "Fuck The Police" est l'un des hymnes anti-flics les plus violents et éloquents depuis le titre homonyme de NWA. Avec son complice Webbie, le rappeur ne se contente pas de cracher sur les corporations d'hommes en bleu. Il parle de leur corruption, de leur partialité, il explique comment il a été conditionné à les haïr.
Il donne en effet dans le rap social. Le meilleur. Celui qui expose, qui explique. Jamais celui qui excuse ou qui moralise.
Ce rappeur est une mauvaise graine. Il le proclame d'entrée quand il paraphrase Michael Jackson avec un retentissant "who's bad? I'm bad, super bad!". Mais ce "super mauvais" nous parle aussi du sol où il a germé, de cette ville, l'une des plus violentes du pays, où sa survie (aux balles, au diabète) relève tant du miracle qu'il remercie Dieu de sa protection.
Même ses paroles les plus légères, celles où il est question de filles faciles, de bagnoles ("Cadillac"), de fringues ("Levis") et, plus généralement, de rouler des mécaniques dans le quartier, traduisent une envie communicative de dévorer la vie par les deux bouts, de goûter chaque instant et d'entonner chaque rap comme s'il s'agissait du dernier avant la mort.
Ce n'est pas la mort, pourtant, qui attendra Lil Boosie, mais le pénitencier. Il y rentrera en fin d'année, et pour longtemps. Et ce ne sera qu'une fois incarcéré que sa légende se répandra au-delà de Baton Rouge. Entretemps, il aura sorti un album quasi homonyme de sa mixtape, Superbad: The Return of Boosie Bad Azz, mais celui-ci s'avèrera décevant.
Car les albums, ça n'a jamais été le fort de Boosie. Il est rare d'y trouver l'authenticité, l'intensité et l'absence de compromis qui lui valent d'être surnommé "le rappeur du peuple", et qui ont fait de cette mixtape l'une de ses grandes sorties.
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