La carrière faste de Killer Mike a connu deux époques. Dans les années 2000, il fut l'un des grands acteurs de la scène d'Atlanta. C'est en effet dans l'ombre de son plus grand groupe, Outkast, qu'il est apparu, via ses participations aux classiques Stankonia et Speakerboxx. Il a fricoté aussi avec T.I., dont il a rejoint le label Grand Hustle. Mais à partir de 2012, sa carrière allait prendre un tournant et l'exposer à un nouveau public, quand il s'acoquinera avec El-P, le parrain de l'underground rap new-yorkais, qui sera son producteur sur l'album R.A.P. Music, puis son comparse au sein du duo Run the Jewels. Cette association lui apportera une notoriété nouvelle, grâce à laquelle il sortira en 2014 Sunday Morning Massacres, une compilation de freestyles enregistrés six ans plus tôt, et qu'il pouvait enfin proposer sous la forme d'une mixtape, avec l'aide du DJ Greg Street.
Autoproduit :: 2008 / 2014 :: télécharger la mixtape
Si le féroce Afro-américain sudiste s'est autant plu avec le Blanc new-yorkais intello, c'est qu'ils avaient de gros points communs : la colère, la rage, et surtout, une conscience politique exacerbée. Killer Mike, en effet, est un commentateur virulent des maux de la société américaine (racisme, pauvreté, violence), au point de s'engager de manière très visible, pendant la campagne présidentielle de 2016, auprès de Bernie Sanders. Cet engagement s'exprimait aussi bien avant, en 2008, l'année de l'un de ses grands albums, I Pledge Allegiance to the Grind II, comme en témoignait Sunday Morning Massacres. Comme l'indiquait son titre en référence à la messe du dimanche matin, Killer Mike s'inspirait ici de thèmes religieux et de figures bibliques (Caïn et Abel, Samson et Dalila, Judas...), pour livrer une suite de pensées fortes et tranchées sur la petitesse des rappeurs, la division mortifère des Noirs américains, les impérities de l'Etat ou les pièges du système carcéral.
C'était autant de sermons qu'il lâchait, tantôt sur des interludes parlés, tantôt sur des musiques empruntées à The Game, Young Jeezy ou Jay-Z. Il les habitait de sa furie, avec sa grande gueule pleine d'assurance, avec ce phrasé puissant qui est sa grande caractéristique, et sa grande force aussi, comme on pouvait le constater sur ces passages intenses qu'étaient "The Devil Is a Lie" (dont la musique était empruntée au "My President" de Jeezy), "Belly of the Beast" (avec ses extraits d'interviews de la bête elle-même, Charles Manson), et cette conclusion, "Dear Lord", forte de l'orgue, des chants et de la voix possédée d'une prière gospel. En exhumant ces enregistrements, le rappeur rappelait ou démontrait à tous, en fait, que bien avant Run the Jewels, Killer Mike était déjà pleinement Killer Mike.
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