Huntsville est une ville moyenne d'un peu moins de 200 000 âmes, située au Sud des Appalaches et au bord du fleuve Tennessee, dans l'Etat d'Alabama. Surnommée "Rocket City", elle n'est connue que pour une raison : c'est ici qu'ont été conçus plusieurs des missiles et des fusées qui ont symbolisé l'épopée spatiale américaine. Le principal musée de la ville est un "rocket garden", un jardin où sont exposés plusieurs modèles de fusées. Et c'est l'une d'elles, sorte de Tour Eiffel high-tech, qui est son monument principal. C'est cet engin que l'on retrouve sur la pochette du deuxième album de G-Side, celui de la révélation pour le plus emblématique des groupes locaux, et cela en toute logique pour un disque qui exploite la métaphore spatiale.
Starshipz and Rocketz, en effet, est la sortie à l'origine du buzz pour le duo formé par ST 2 Lettaz (Stephen Harris) et Yung Clova (David Williams). Elle a été une première étape vers l'exposition maximale dont le groupe a bénéficié en 2011, avec les projets The One...Cohesive et Island. Avec quelques faiseurs de hype comme Diplo, qui s'était penché un temps sur cette scène, elle a contribué à porter l'attention sur Huntsville et d'autres rappeurs locaux comme Jackie Chain, les PRGz et, trait d'union entre tous, le collectif de producteurs Block Beattaz.
Ces derniers sont aux manettes sur ce disque, et ils lui apportent ce qui fait sa principale singularité : la présence, doublée souvent de chants féminins évanescents, des sonorités cosmiques, lunaires et aériennes de ce qu'on ne tarderait pas à appeler le cloud rap. L'album, certes, emploie beaucoup d'autres agréments : les sirènes g-funk de "G-Sider", les cordes soul de "We Own The Building", le quasi-snap "Rubba Bandz", le screwed & chopped de "Swangin", les sons technoïdes de "Run Thingz". Mais cette musique éthérée le domine, avec ces titres évaporés que sont "Strictly Buzinezz", "Minute Away", "Hit Da Block" et "Speed of Sound".
Dans G-Side, cependant, il y a "G", ce qui indique clairement que ST 2 Lettaz et Yung Clova, malgré leurs sons atmosphériques et leur profil bas, sont fidèles à la tradition gangsta telle qu'elle domine dans le Sud. Le vocabulaire et les paroles appartiennent à cette école. Il est question de fascination pour les belles voitures (Chevrolet et Cadillac, sur "Back of the Chevy"). Et à la drogue n'est jamais loin, implicitement tout du moins. L'on sait, depuis "Space Oddity" au moins, que c'est souvent d'elle dont il est question quand des chanteurs nous parlent de l'espace et qu'ils jouent d'une musique hallucinée et futuriste. Et le duo ne fait pas exception.
Les deux de G-Side ont la tête dans les étoiles, mais ils n'oublient pas d'où ils viennent. A l'image de cette pochette où des enfants du ghetto regardent fascinés la fusée de Huntsville, leur album souligne les contradictions d'un pays qui rêve de conquête spatiale, mais où continue à sévir la pauvreté. Il donne dans le reality rap, voire dans le "rap conscient", sur des titres tels que "Starshipz & Rocketz", "We Own Da Building", "Everywhere I Go", "Speed of Sound", "Run Thingz" ou l'excellent "Youth of the Ghetto". Il joue de ce contraste entre la dure réalité et l'envie de la fuir, celle de s'oublier et de se perdre sur les voies nimbées du cosmos.
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