False Hopes n'est pas le nom d'un seul projet. Il est celui de plusieurs, sortis en solo dans les années 2000 par les gens de Doomtree, avant qu'ils n'en délivrent un dernier tous ensemble, toujours sous le même titre. Ce nom, autrefois celui du duo formé par P.O.S et Cecil Otter, les fondateurs du collectif de Minneapolis, sert alors de carte de visite à tous, et notamment à la rappeuse Dessa Darling (ou simplement Dessa). Celle-ci propose alors, avec les cinq titres de son EP (si réussis qu'elle en recyclera une bonne part sur son second album, Castor, The Twin), l'un des meilleurs de la série.
Le profil de Margret Wander correspond à celui du collectif. Comme la plupart de ses membres, c'est une blanche (plus ou moins, sa mère étant d'origine portoricaine). Fille de la classe moyenne, rat de bibliothèque diplômée en philosophie, elle écrit ses textes à la manière d'une lettrée. Et elle n'hésite pas à franchir les frontières du rap, donnant dans le spoken word, poussant la chansonnette ou usant de "vrais" instruments. Pourtant, c'est presque par hasard que Dessa rejoint les membres de Doomtree, et elle le fait sur le tard.
Amatrice de beaux textes, elle se trouve embarquée en 2001 dans un concours de slam poetry. Comme, contre toute attente, c'est elle qui le remporte (les stars des lieux sont alors absents, en tournée…), elle est encouragée à persévérer. Et, de fil en aiguille, elle se met à fréquenter et à apprécier tous ces rappeurs qui se trouvent être des voisins de quartier.
On retrouve sur False Hopes la trace de ce passé de slammeuse. Le rap de Dessa est, en effet, une science du langage, qui explore des thèmes peu communs dans le hip-hop. L'introductif "Mineshaft", par exemple, est une réflexion sur le poids du passé. Elle nous y parle de ses identités successives et de leur influence sur ce qu'elle est aujourd'hui. Sur "Everything Floats", avec le renfort de Cecil Otter, elle cherche à remplir par l'art une existence vide et douloureuse. "551" est une réflexion sur la fugacité de l'amour, où elle déclare ne plus rester avec son amant que par habitude et par confort. Et "Kites", pour continuer dans cette ambiance pas franchement joyeuse, nous parle de la fin des rêves et des illusions.
Produite majoritairement par les beatmakers de Doomtree, Lazerbeak et Paper Tiger, la musique porte elle aussi la marque du collectif. Les instruments qu'on y entend, tout aussi inhabituels dans le hip-hop, ont une résonnance très organique. Et si le rap n'est pas la seule discipline pratiquée par Dessa (comme on l'a dit, elle sait chanter, et sur "Kites", elle s'engage dans de biens étranges murmures), elle s'y adonne avec une certaine adresse, changeant à l'occasion de rythmes et de débit. La rappeuse et poétesse s'engage aussi dans des exercices d'autrefois, comme ce "Press On" à la saveur vaguement old school, où Dessa et Sims s'amusent à finir leurs phrases respectives, à la manière de Run-D.M.C.
C'est toute une école de hip-hop, pas la plus exposée, mais pas la moins intéressante, qu'incarne Dessa. Une école moins ancrée dans le ghetto, peu soucieuse de pureté stylistique, attachée à la désuète notion d'art et à même d'explorer d'autres disciplines. De manière accomplie, avant que tout cela ne se dilue un peu sur ses albums, la rappeuse de Minneapolis apporte un visage féminin à ce type de rap.