Les EPs (ou, dans le cas qui nous intéresse, les "mixtapes" qui suivent ce format) ont un gros inconvénient : ils sont trop courts. Mais en contrepartie, ils ont bien plus de chances d'être constants et satisfaisants que des albums. Trench Gotti l'a démontré une fois de plus, début 2016. Cela faisait longtemps que les attentes étaient hautes à propos de Kazarion Fowler, alias Skooly, ce protégé de 2 Chainz et de l'écurie Street Execs, l'une des plus redoutables équipes de promotion d'Atlanta. Mais sur les sorties des Rich Kidz, le groupe qui l'a fait connaître, ses interventions étaient noyées parmi celles de ses collègues. Et en 2015, il manquait encore un petit quelque chose à The Blacc Jon Gotti, son premier projet solo.
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Les six titres de Trench Gotti, cependant, sont à point. Ils bénéficient grandement de la collaboration du duo de producteurs Nard & B, qui cosigne le EP. Connus principalement pour leur travail avec Future, ceux-ci apportent ce qu'il faut à un rappeur qui, malgré une voix distincte, plus aigrelette, évolue dans la même veine que ce dernier : celui d'un après-trap où l'on expose en chantonnant les saignements de son cœur. Les crépitements rythmiques typiques du genre sont présents, mais la musique se fait souvent plus douce, plus lente, plus alanguie. Mélodique, elle épouse les chants de crooner du rappeur, elle se met à leur diapason. Elle penche même vers le cloud rap sur les titres les plus sentimentaux, ceux où Skooly vire presque R&B, tant dans le chant que dans le thème, comme par exemple cette grande complainte amoureuse toute molle qu'est "Sit Down & Talk to You", ou ce blues sur la perdition et les affres de la rue qu'est "Bankroll 1".
Mais ni le rappeur, ni ses producteurs, ne se cantonnent à ce répertoire. Les sons deviennent légèrement plus soutenus quand Skooly déclare sa flamme, non plus à une femme, mais à son argent ("Get This Money"). Ils sont même épileptiques et agités sur "10 Deep", le morceau le plus relevé et le plus efficace de Trench Gotti, et dans une moindre mesure sur le conclusif "Feelin Myself", deux titres où Skooly s'engage dans des répétitions et des onomatopées d'aliéné, dignes de Migos ou de Young Thug. Cet EP est court, mais il parcourt tout le spectre du son actuel d'Atlanta. Il continue la mission suivie par la scène rap locale depuis plusieurs années, celle de parler des troubles du cœur, sans oublier ceux de la rue. Comme le rappeur le résume, sur le titre qui résout le mieux cette équation, "Bankroll 1" : "je chante comme si j'étais ce putain de Marvin, mais non, c'est pas Marvin".
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