Aujourd'hui 2 juin, le rédac' chef de VICE France Julien Morel a publié sur Noisey un article rétrospectif sur le mouvement hip-hop indé : Une histoire orale du rap indépendant, de 1995 à 2003. A cette occasion, le témoignage de votre serviteur a été recueilli, avec celui d'autres gens bien (Bobbito Garcia, Stretch Armstrong, M Sayyid d'Antipop Consortium, Para One). Nous en profitons pour publier l'intégralité d'une interview où, une fois n'est pas coutume, les rôles sont inversés.
Julien Morel : depuis combien de temps écoutes-tu du rap américain ? Quels sont les groupes et artistes qui t'y ont amené ?
Depuis presque toujours. Il y a toujours eu du rap près de moi : les Beastie Boys, Public Enemy, Tribe, etc. Mais la vraie conversion, le moment où je me suis dévoué au rap corps et âme, ça a été le milieu des années 90, grâce principalement à un groupe : le Wu-Tang Clan. Je n'ai jamais autant aimé un groupe, ni avant, ni après. C'est après eux que je me suis plongé sur tous les classiques new-yorkais (Nas, Black Moon, Jeru, etc.), et que je me suis penché, sur le tard, sur le rap californien de la grande époque de Death Row (Dr. Dre, Snoop). Avant, même si j'écoutais un peu de rap, j'étais plus intéressé par le rock, tant l'indie pop qui triomphait à l'époque, que les vieux classiques des années 60 et 70.
Au bout de combien d'années d'écoute intensive de rap t'es-tu intéressé à la première vague indépendante, emmenée par Rawkus et Fondle'em ? Comment est-ce arrivé ? Par les disquaires ? Par les proches ? Par pur "goût" ?
C'est arrivé assez vite, juste après le Wu-Tang en fait, et essentiellement par les critiques. J'étais un vrai boulimique de critiques et de presse musicale. Au début, je passais mes samedis après-midi à lire la presse anglo-saxonne, chez WH Smith à Paris. Et puis ensuite, quand j'ai commencé à bosser et à avoir de l'argent, je me suis précipité assez vite sur Internet, qui t'ouvrait déjà un accès incroyable à la musique. J'ai lu un jour une critique qui disait que Company Flow était du Wu-Tang puissance dix, alors bien sûr ça a fait tilt et je me suis précipité dessus. Par ce biais, j'ai ensuite entendu parler des Jedi Mind Tricks, que j'ai d'abord préférés à Co-Flow (sans doute parce que la ressemblance avec le Wu était plus patente). J'ai accroché, j'ai vraiment accroché, et Internet a fait le reste.
En 1997-98, quels morceaux étaient les obligatoires de la scène indie rap ?
Je n'ai jamais raisonné en morceaux, toujours en albums. Je n'écoute pas vraiment de singles. Je dois tenir ça de ma culture rock. C'est d'ailleurs pour cette raison que les premiers trucs que j'ai écoutés sont Company Flow et les Jedi Mind Tricks, parce qu'ils ont sorti des albums assez tôt. Ou encore, dès 1996, Dr. Octagon et DJ Shadow, parce qu'ils étaient parrainés par Mo'Wax et la critique anglaise non rap (je ne ferai que plus tard le rapprochement avec la scène rap indé). Mais le rap indé, en 1997-98, même si je ne les découvrirai que quand ils allaient sortir des albums, c'était avant tout les singles du label new-yorkais Fondle'em : MF Doom, les Arsonists, Siah & Yeshuah, les Juggaknots, Cage. Il se passait plein de choses ailleurs aussi, en Californie (je suis tombé assez tôt sur la formidable compilation Beneath the Surface d'Omid), à Chicago et à Minneapolis, mais je ne le découvrirais que plus tard. La scène indé de la Côte Est a été le point d'entrée, très clairement.
Pouvait-on d'ailleurs parler de scène ? Combien de personnes cela concernait aux Etats-Unis ? En France ?
Concernant New-York, oui, on pouvait parler de scène. Tous ces gens, Company Flow, et plusieurs amis qu'ils avaient sur toute la Côte Est, de Philadelphie à Boston, étaient connectés. Ils avaient leur figure de proue, Bobbito Garcia, leurs ondes, leurs lieux de rendez-vous comme le disquaire Fat Beats. Ils commençaient à être visibles dans des médias plus larges, comme The Source. Mais il serait difficile de dénombrer les fans, surtout vu de France. Quoiqu'il arrive, on n'était pas sur des ventes extraordinaires, quelques milliers pour les disques qui cartonnaient, tout au plus.
Quant à la France… Tout cela était loin. Les seuls médias qui ont parlé un peu en France de Company Flow, ou de leurs homologues de la Côte Ouest comme les gens du label Solesides, ce sont davantage des magazines indie rock comme Les Inrocks ou Magic, que leurs homologues rap (la presse papier rap française a longtemps, voire toujours, été plutôt pauvre), et je ne suis pas certain qu'ils aient beaucoup intéressé leurs lecteurs fans de rock... Côté rap, seul l'éphémère magazine Real en parlera un peu. Tout le reste se passait sur Internet. La scène rap indé en France n'a existé que sur Internet, à ma connaissance.
D'un point de vue purement esthétique, qu'est-ce que tu trouvais de beau, d'intéressant, de nouveau en creusant dans cette scène indie rap ?
J'aimerais ne pas savoir répondre à cette question. Le jour où on arrive à objectiver les moteurs de ses goûts, à mon sens, c'est celui où on cesse d'être un fan de musique et où on devient musicologue. C'est celui où on se met à lire The Wire et à devenir très ennuyeux. Mais bon, je crois que ce que j'aimais, c'était ce côté sale et expérimental, mais pas trop. La meilleure musique pour moi, c'est celle qui veut faire preuve d'audace et de nouveauté, mais qui n'a pas renoncé à séduire le public. C'est les Beatles, c'est Bowie, c'est le Wu-Tang Clan. Nous en étions là avec le rap indé. De la musique souvent radicale, soit parce qu'elle était bizarre, soit qu'elle ramenait le hip-hop à l'essentiel, mais qui ne se regardait pas le nombril. Pas encore, en tout cas. Le nombrilisme viendrait très vite après.
Ce qui m'a plu, aussi, c'est sans doute la parenté avec le rock. On ne se refait pas. Elle n'est pas évidente chez tout le monde, mais on la retrouve chez Company Flow, voire chez Dr. Octagon. Et elle sera encore plus patente plus tard, avec tout le rap indé de Blancs à la Anticon. En dehors de la proximité des sons, qui n'existait pas chez tout le monde, il y avait la démarche. A la base, tout ce délire indé, hostile à l'industrie musicale, avait une inspiration très rock, très punk même. Bigg Jus, qui est le véritable inspirateur du slogan "independent as fuck" de Company Flow, même s'il apparait a priori moins "rock" que son compère El-P, a explicitement dit s'être inspiré du réseau indé issu du punk hardcore, comme de celui des musiques électroniques.
L'as-tu envisagé, comme moi, comme le prolongement hard-line du meilleur rap new-yorkais mid-90s – DITC, Boot Camp, etc. – avec une accentuation des côtés sombres, tristes, "durs" ?
C'était très clairement ça, le rap indé. En tout cas pour Fondle'em. Son patron, Bobbito Garcia, est l'animateur radio qui a parrainé toutes les grandes stars du rap new-yorkais des années 90. Et à l'heure où le public passait à autre chose, au rap nouveau riche jiggy, ou bling-bling, comme on disait à l'époque, Bobbito continuait à parrainer des groupes qui poussaient plus loin le délire du rap hardcore new-yorkais. Ils étaient attachés au hip-hop des origines, parfois aux quatre éléments (il faut se souvenir que le terme "backpack", à l'origine, désignait le sac à dos que portaient les grapheurs), et aussi à une certaine forme de virtuosité verbale, qui était quelque chose d'important dans les années 90. Comme je le dis dans mon bouquin sur le sujet, le rap indé est à la base, une entreprise éminemment conservatrice : "le hip-hop partait en sucette, mais nous on allait le ramener à l'essentiel".
Mais attention à ne pas se focaliser sur le rap indé new-yorkais, qui est l'arbre qui cache la forêt, et qui est souvent le seul connu, vu de France, parce que notre pays ne jure que par New-York, ce qui est sa grande malédiction. Le rap indé, ça a été un immense mouvement libératoire, qui a fédéré des tas de scènes qui n'avaient en commun que le fait d'être indépendantes et ignorées des grands médias : le rap indé de backpacker de New-York n'est pas celui issu du Project Blowed à Los Angeles, ni celui très créatif de la Baie de San Francisco, ni celui de Minneapolis et de Rhymesayers, ni celui du Nord-Ouest avec Oldominion, ni l'immense réseau qui s'est formé au Canada. Dans l'indé, tu avais beaucoup de rap dit "conscient", mais tu avais des trucs totalement orduriers comme Necro. Tu avais des puristes boom bap, comme des types qui voulaient complètement s'émanciper du hip-hop. Ca n'a jamais été un tout consistant. C'est d'ailleurs ça qui était bien et qui faisait avancer les choses.
Comment, en France, interprétez-vous ce délire "indie as fuck" typiquement américain, lié spirituellement aux scènes hardcore et indie rock ?
Je ne peux pas parler pour tout le monde. Mais en ce qui me concerne, très clairement, j'étais interpellé par le parallèle indie rock / indie rap, à une époque, précisément, où l'indie rock ne voulait plus rien dire. Ce mouvement des années 80 était devenu la nouvelle norme après Nirvana, avec des groupes épouvantables comme Coldplay et Muse, aussi horribles que ceux contre lesquels l'indie rock des années 80 s'était créé. L'indie rap, c'était la rencontre entre un genre qui je trouvais plus intéressant que le rock, à savoir le rap, et une éthique, une approche de la musique, qui était la mienne.
D'autres fans en France avaient d'autres motivations : certains, qui n'avaient pas le profil sociologique ou esthétique qui était la norme dans le rap français, y trouvaient un refuge et une plateforme, comme TTC, qui avait voulu fédérer autour de lui une scène indé à la française, réunissant tous les weirdos et les marginaux du rap français. Pour beaucoup de gens, c'était aussi une crise de croissance. Le rap français, qui avait explosé dans les années 90, avait amené à cette musique des cohortes infinies d'ados. Certains devenaient maintenant plus vieux et ils cherchaient quelque chose de plus pur, de plus crédible, de plus intello, de moins franchouillard.
Qu'est-ce que vous trouviez infernal dans le rap français d'époque ? Qu'est-ce qui, globalement, vous révoltait dans la scène hip-hop internationale de la fin des années 1990 ?
Il faut faire une distinction claire entre le rap indé américain, et sa réplique française. L'indé américain était fédéré par une détestation commune du rap jiggy, alors que l'indé français était uni par autre chose : une détestation souvent partagée du rap français. En ce qui me concerne, je détestais l'essentiel du rap français. D'abord, c'était un panier de crabe (comme quasiment toutes les scènes musicales ceci dit – le monde de la musique, c'est horrible, c'est Dallas sans l'argent). Je trouvais au rap français un manque d'humilité total, avec tout ce délire "second marché du rap au monde", cette ignorance de ce qui se passait vraiment aux US, cette conviction qu'il incarnait le vrai rap, alors qu'il n'en était qu'un rejeton miteux. Et je lui reprochais tout ce que j'ai toujours reproché à la musique française : la survalorisation du texte, le refus que la musique populaire puisse avoir une valeur musicale intrinsèque, une pauvreté récurrente des beats, un fréquent manque d'humour.
En parallèle des Co Flow, Kool Keith ou Juggaknots, écoutais-tu encore du rap traditionnel, disons, en 2000 ? Ou bien crachais-tu avec toute la fougue de la jeunesse sur les sorties Bad Boy, Ruff Ryders, etc. ? Es-tu revenu sur ton opinion sur ces sorties quelques années plus tard ?
Du rap traditionnel des années 90 voire 80, oui, j'en écoutais énormément. Mais si par là tu veux dire la production mainstream de ces années-là, et donc les Bad Boy et Ruff Ryders que tu cites, la réponse est non. Je ne crachais pas dessus (et d'ailleurs je n'étais déjà plus si jeune à l'époque). Je les ignorais juste. C'était un autre truc, à côté. Moi, j'étais à fond et durablement dans le délire indé. Il y avait quelque chose que je détestais à l'époque, et qui était pourtant constitutif du rap, qu'on retrouvait même paradoxalement chez mon très cher Wu-Tang Clan : c'était le rappeur prométhéen super-héros. Ce côté démesuré, fait pour les stades, rock'n'roll en somme, c'est ce que je fuyais dans le rock. Je n'allais donc pas vouloir le retrouver dans le rap. Ruff Ryders, justement, ils avaient cette imagerie de motards rock'n'roll, ça ne pouvait pas m'attirer. Même chose plus tard avec les Diplomats, G-Unit, et tout le côté survivant du ghetto invulnérable, typique de 50 Cent. Ce n'était pas moi.
Mais attention, certains fans de rap indé, certains rédacteurs de Hip-Hop Section inclus, aimaient tout ça. Et en même temps, j'aimais bien Jay-Z. On en disait d'ailleurs du bien sur Hip-Hop Section. J'allais bien aimer Kanye West, aussi. Mais lui, justement, il avait très clairement un pied dans le rap indé.
Tous les autres rappeurs à succès du moment, je les ai découverts pour de bon, et aimés pour certains, beaucoup plus tard. En rap, d'ailleurs, je suis pour une bonne part passé à côté des années 2000. Ce qui a aidé, c'est la découverte tardive de leurs mixtapes. A l'époque, je ne connaissais que les albums, et ils me laissaient plutôt indifférents. Mais beaucoup ont sorti de grandes mixtapes. Dipset, bien sûr. Jadakiss. Et 50 Cent. Je n'avais rien capté à Get Rich or Die Tryin' à l'époque, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Mais le jour où j'ai écouté ses mixtapes, c'est bon, j'ai tout compris.
Quels étaient les gens qui gravitaient autour de toi et de ton site Hip-Hop Section à ce moment-là ? À quoi ressemblaient les Français de la première vague de rap indépendant ? Avaient-ils une origine sociale commune, ou bien était-ce très hétéroclite, très éclaté ?
C'est difficile à dire. Quand on se rapproche de gens pour des raisons musicales, on ne va pas leur demander la profession de leurs parents. Mais je crois savoir d'où ta question vient. A l'époque, pour le meilleur comme pour le pire, le webzine Hip-Hop Section était associé de près à TTC. Ils en étaient quelque part les compagnons de route. Et le trio, en tout cas deux de ses membres, venaient d'un milieu très favorisé. Ca leur a valu d'être accusés de faire du "rap de bourgeois", et ça a rejailli sur nous. Si l'on parle de Hip-Hop Section proprement dit, je pense que les origines sociales étaient plutôt variées. En ce qui me concerne, par exemple, je viens du trou du cul de la campagne normande, de chez les rednecks français.
Ce qui est sûr, cependant, c'est qu'à de rares exceptions près, ce n'était pas des gens très "cité". Ce qui les unissait surtout, je crois, c'est que c'était des gens cultivés, qui avaient fait des études, quelles que soient leurs origines sociales. C'était donc des personnes qui parlaient anglais, qui avaient un esprit critique, qui avaient les moyens de remonter à la source du rap américain, d'entrer en contact avec certains de ses acteurs, de maîtriser le nouvel outil Internet. Ils étaient donc différents des fans de rap "de base", qui s'intéressent surtout au rap français et aux stars américaines dont les médias français veulent bien parler. Mais en dehors de ce point commun, c'était je crois une assemblée assez hétéroclite, réunie par les circonstances.
Lorsque la scène indie rap a commencé à se diversifier, à devenir ce que l'on a plus tard appelé "abstract rap", à laisser apparaître de plus en plus de Blancs type Dose One, une première rupture s'est manifestée : les b-boys et skateurs dans mon genre d'un côté, plus Def Jux, et les mecs dans "ton genre", venant de l'indie rock, plus Anticon et affiliés.
Penses-tu que c'est cette distinction irréconciliable qui a participé vers 2003, au délitement de la scène ? Cette distinction avait-elle toujours existé ? Comment faisiez-vous pour "vous entendre" avec des mecs qui venaient à 100% du rap ?
Il y a beaucoup de choses à répondre, là. Et tout d'abord, il faut commencer par séparer les choses : il faut surtout bien distinguer la scène rap indé américaine, la vraie, de ce qu'il s'est passé en France. Ce sont deux choses, deux mécaniques bien différentes. Par exemple, quand tu parles des skateurs et des b-boys, c'était peut-être les mêmes personnes en France (je ne sais pas, je n'ai jamais été b-boy et j'ai raccroché le skate après m'être pété la clavicule, ah ah), mais les skateurs aux US, c'est justement pour beaucoup une communauté multiraciale, également ouverte au hip-hop et au rock indé. Ils seraient donc plutôt dans la deuxième communauté, si on tient à catégoriser les choses. Beaucoup de fans de rap indé, aux Etats-Unis, venaient du milieu des skateurs, justement.
Autre chose : en France, je connais très peu de gens venant de l'indie rock, qui ont écouté du rap indé. J'ai d'ailleurs parfois essayé de convertir au rap mes collègues du webzine rock POPnews, sans grande réussite. A part une ou deux autres personnes (je pense par exemple à mon ami Pialey, qui trainait pas mal sur le forum Hip-Hop Section, mais n'était pas dans la rédaction du webzine, ou peut-être aussi à Kevin Blougou, qui était le grand avocat d'Anticon), j'étais un cas unique. Et encore, j'ai du mal à me voir totalement comme "venant de l'indie rock". Je n'ai jamais été abonné aux Inrockuptibles, même au temps de leur splendeur, et j'ai dû acheter les albums des Smiths la même année que les premiers solos du Wu-Tang Clan. Je suis un binational de la musique, et dans les deux camps, des intégristes voudraient bien m'appliquer la déchéance de nationalité. Pour les gens qui n'étaient pas dans le trip rap indé, il était commode de se dire: "ah, c'est du rap de Blanc, c'est un truc de rockeur indie, ouf, c'est normal si je n'aime pas." C'était de la paresse intellectuelle.
Par ailleurs, au sein d'Hip-Hop Section, "mes" rédacteurs étaient parfois mal à l'aise avec mon intérêt déclaré pour l'indie rock. Ils n'avaient pas envie de voir cette étiquette leur être accolée, alors qu'ils venaient à 100% du rap, pour reprendre ta formule. Tu confirmes quelque part que leurs craintes étaient avérées, on les a pris pour ce qu'ils n'étaient pas. Donc, pour répondre à ta question, il n'y avait pas à s'accommoder de gens qui venaient à 100% du rap : une grosse part de la rédaction et l'essentiel du public venait à 100% du rap. C'est après, et grâce au rap indé, que les gens se sont mis à écouter autre chose, du rock indé, du jazz, de la musique électronique, ou je ne sais quoi d'autre.
Cela dit, il y a du vrai dans ce que tu as dit. Comme je l'ai dit plus haut (et là, c'est vrai des Etats-Unis comme de la France), la scène indé a fédéré des gens qui n'avaient au fond pas grand-chose à voir. Leur seul point commun, souvent, c'est qu'ils ne se retrouvaient pas dans le rap grand public tape-à-l'œil avec plein de R&B dégoulinant, qui triomphait alors. Et encore, même ça mérite d'être nuancé, il y avait chez nous des gens qui aimaient ça. Le point commun, en fait, c'était une certaine curiosité, une volonté d'établir et d'affirmer ses propres goûts, plutôt que de subir ceux d'autres médias. Mais au bout d'un moment, quand le rap indé a grossi, et que les gens ont réalisé que ça ne se limitait pas à Fondle'em et à New-York, les différences sont ressorties et tout le monde est parti dans son coin.
Comment, en tant que mec venant de la pop et du rock, vivais-tu le fait d'être immergé dans une culture radicalement différente de la tienne ? As-tu subi des affronts particulièrement méchants de la part des backpackers ? Vous, indie rockers, étiez-vous respectés par le reste de la scène ? À partir de quand est-on respecté par des rappeurs lorsqu'on est – et surtout à cette époque presque pré-Internet – un "chevelu" ?
Là encore, j'ai l'impression qu'on parle surtout du public rap indé français, pas du rap indé en tant que tel, l'Américain. Et comme je l'ai dit plus haut, cette séparation entre backpackers et rockeurs indie n'existait pas. TTC, par exemple, tu considères que c'était des backpackers, ou des rockeurs indie ? Aucun des deux, bien évidemment. Presque personne ne rentre dans ces cases. C'était des rappeurs contre des rappeurs, mon cas à moi étant particulier.
Ceci dit, il est vrai qu'à partir d'un moment (et les Etats-Unis ont connu un phénomène similaire), une différence s'est manifestée au sein même des fans d'indie rap, entre les puristes, ceux qui voulaient rester dans les années 1990, et ceux qui n'avaient pas peur de transformer le rap en quelque chose de nouveau, de le métisser, de le maltraiter, de le dépasser. C'est d'ailleurs sur cette séparation que j'ai organisé le plan de mon livre.
Quant aux autres points… Le fait d'être immergé dans une culture différente ? OK, mais était-elle vraiment si différente ? S'il y a bien quelque chose que j'ai découvert en ces années-là, c'est que les fans de rap me ressemblaient beaucoup, à part qu'ils étaient généralement plus jeunes, et qu'effectivement certains étaient lookés alors que j'avais passé l'âge de l'être. Les seuls vraiment différents, c'était peut-être les vrais types des cités, mais je n'en ai pas beaucoup côtoyés. En fait, le public du rap est infiniment plus divers et normal que sur ses images d'Epinal. Je suis chez moi dans le rap. Je me souviens que, aux grandes heures où je vomissais sur le rap français, Tacteel, qui trouvait que j'abusais, m'avait dit un truc assez juste : "tu en fais maintenant partie, du rap français."
Les types qui ne nous aimaient pas, c'était généralement des gens jeunes, qui avaient découvert le rap en 95, qui étaient surtout branchés sur le rap français, ou sur les gros artistes américains dont parlaient les magazines. De notre côté, on avait un meilleur accès au rap américain, une meilleure culture sur le sujet, un peu plus de recul. Le rap, à la limite, c'était plus chez nous que chez eux.
L'agressivité ? Je ne l'ai rencontrée que deux fois. D'abord, au moment de la guéguerre entre Hip-Hop Section et le webzine 90 BPM (alors très différent de ce qu'il est devenu), qui représentaient à l'époque ces deux faces de l'indé, la révolutionnaire et la conservatrice. Les deux magazines étaient partis dans une sorte de conflit idéologique, et c'est allé jusqu'aux menaces. Et puis une autre fois, un type a menacé d'aller en bagnole chez moi pour régler mon compte, avant de se calmer quand il s'est rendu compte que j'habitais à deux pas de chez lui, et que j'étais un brave père de famille, pas un jeune mec énervé de 18 ans. Dans un cas comme dans l'autre, ce n'était pas si méchant. C'était du clash débile typique d'Internet, qui n'a eu aucune suite. Rétrospectivement, c'était même plutôt rigolo. On en rigole encore quand on se raconte nos souvenirs de guerre.
À quel point le cool était-il une composante de cette scène ? Je me souviens que des mags branchés d'époque de type Blast ou Sugar, parlaient systématiquement d'Antipop, de Can Ox, d'El-P. Saurais-tu dater le peak-time de cool ou de hip de la scène backpack rap en France et dans le monde ?
Je ne suis pas certain de comprendre ce que tu veux dire par "cool", d'autant plus que je ne connais pas les mags en question. Tu veux sans doute parler de la hype, de la branchitude. Si c'est le cas, oui, en effet, le rap indé a été très branché, vers 1999-2001. C'est précisément le seul moment où certains des rockeurs indé dont tu parles, mais aussi les fans de musique électronique, se sont un peu penchés sur le sujet, très superficiellement. Et forcément, ils ont privilégié des choses qui leur ressemblaient, comme Antipop Consortium pour le côté très électronique (lesquels n'étaient d'ailleurs pas au cœur de l'indé, ils étaient bien plus appréciés des fans d'electro que de rap), ou pour le El-P de l'après Company Flow, plus psychédélique, plus rock progressif.
L'année 2000, c'est vraiment le sommet médiatique pour le rap indé, et 2001 aussi, avec l'album de Cannibal Ox. C'est aussi celui des œuvres qui ont le plus mal vieilli. Pour moi, les deux meilleures époques du rap indé, c'est celle juste avant, celle de Fondle'em à New-York, de l'après Project Blowed à Los Angeles, de l'émergence du rap battle du Midwest, avec Atmosphere, voire Eminem, qui était lui aussi issu de cette scène (rappelons qu'il a participé au Scribble Jam de Cincinnati, la grand messe de cette scène là). Puis c'est celle juste après, autour de 2003-05, quand la bulle médiatique a éclaté, mais que plein de gens libérés par l'indé, notamment des Blancs qui n'avaient alors pas droit de cité, se sont mis à sortir de très bons projets.
A propos de la scène française, à quel degré évaluerais-tu l'aspect nerd de ces composants ? Pour moi, il est indissociable de toute cette histoire, que j'ai toujours pensée comme une volonté de mecs qui aimaient TROP le rap, qui aimaient VRAIMENT chercher les morceaux les plus obscurs, qui voulaient TOUT connaître.
C'est exactement ça. Le rap indé, c'est du rap de nerd. En France comme en Amérique. Et dans tous les sens du terme. C'est du rap de connaisseur qui veut à tout prix trouver la perle rare que personne ne connaît, du rap d'otakus, qui se lançaient dans de vraies battles d'érudition musicale. Et en plus de ça, ce mouvement était très vivace sur le Web, qui était le lieu des nerds par définition. A partir de 2000 et d'Anticon, ça a aussi amené au rap des gens qui avaient vraiment une dégaine de nerds, loin de l'imagerie ghetto du rap, avec des cohortes de rappeurs blancs middle-class qui ressemblaient à ton voisin de palier. Certains groupes jouaient énormément avec toute l'imagerie et la culture nerd, par exemple les Shape Shifters, en Californie. Il y a même eu un mouvement appelé nerdcore, plus ou moins lié au rap indé. A ce titre, ça a été assez précurseur. Le rap indé était nerd, à l'époque où ce qualificatif était encore un gros mot, alors qu'aujourd'hui, c'est presque cool d'être nerd. "Nerd is the new cool".
Lorsque vers 2003, le rap jiggy s'est remis à produire des morceaux innovants via les Neptunes ou les Diplomats, la scène backpack s'est délité immédiatement, sur les mêmes distinctions que les origines des acteurs : d'un côté, les mecs du rap sont allés vers le Dipset et le rap du Sud (TTC notamment), et de l'autre les indie rockers sont restés à explorer l'underground. Comment l'expliques-tu ? Comment l'as-tu vécu ? Qui a pu jouer un rôle-clé dans cette remigration des backpackers vers le hip-hop traditionnel ?
Une nouvelle fois, séparons-nous de cette notion de rockeur indé. Elle n'est pas vraie en France, où les genres ont toujours été assez cloisonnés. Les fans de rock indé n'aimaient pas le rap, et les rappeurs n'aimaient pas le rock indé. Point barre. On parle de la France, ce pays désespérant où les gens survalorisent la culture, mais où ils sont totalement bornés. La notion est un peu plus légitime aux Etats-Unis, où les jeunes Blancs de la classe moyenne ont été biberonnés à la fois par le grunge et par le gangsta rap, où ils ont eu cette double culture musicale, presque naturellement. Des gens comme Sage Francis, très clairement, c'est ça.
Ce qu'il s'est passé au début des années 2000, c'est la fin de la bulle médiatique autour du rap indé et, comme je l'ai dit plus tôt (comme tu le dis toi-même d'ailleurs), la réalisation par les gens qui composaient son public qu'ils n'avaient en fait pas grand-chose en commun. Les fans de rap puristes se sont recroquevillés sur une lecture figée, conforme aux canons des années 90. Les gens qui voulaient dépasser le rap l'ont tellement fait qu'ils ont fini par écouter autre chose (Anticon, par exemple, a fini par devenir un label de tout, sauf de rap). Les gens avides de légitimer et d'intellectualiser le rap ont célébré ces véritables divinités underground que sont devenus Jay Dee, Madlib et MF Doom. Les branchouilles du rap se sont tournés vers le next big thing, les Neptunes, le crunk, ou je ne sais quoi d'autre. Ceux qui avaient été effrayés par l'invasion des petits Blancs se sont dit que, en fait, le vrai rap c'était les vrais mecs du ghetto comme Ruff Ryders, les Diplomats, la G-Unit. Bref, chacun est revenu chez soi (et certains ont changé de maison par la même occasion).
Aujourd'hui, plus de dix ans après, quel groupe sociologique écoute encore du rap underground "différent" ? Quels sont les grands noms de la scène d'aujourd'hui ? Quels sont les blogs, sites, forums et labels qui gardent la scène underground rap en vie à l'heure de l'Internet 3.0 ?
Pas facile de répondre, surtout sur la dimension sociologique. Il n'y a pas de vraie étude, à ma connaissance, portant sur les profils sociologiques des fans de rap. Il y a juste eu un livre en France vers 2009, écrit par Stéphanie Molinéro, qui s'intéressait au sujet. Mais il n'était basé sur aucune donnée quantitative. C'était juste des extrapolations basées sur une série de témoignages.
Quant au rap "underground", de quoi parle-t-on au juste ? La scène rap s'est énormément fragmentée, en plusieurs communautés et publics, qui s'ignorent parfois les uns les autres. Désormais, comme me le disait Ceschi Ramos quand je l'ai interviewé pour mon livre sur le rap indé, tu peux réunir dix fans de rap dans une pièce, et ils ne parleront plus le même langage, ils ne citeront plus les mêmes artistes. Et ça a été facilité par Internet, qui permet l'entretien de micro-publics. Les gens ne passent plus par de grands médias reconnus pour se tenir à jour sur le rap. Du coup, ils n'ont plus de références communes. En conséquence, il n'y a plus de différence entre le mainstream et l'underground, comme en l'an 2000, mais entre de multiples tendances rap, lesquelles ont toutes leurs stars et leurs undergrounds propres : les fans de boom bap, ceux de trap music, ceux de la Bay Area, ou du rap de Houston, etc. Et je ne parle là que des fans de rap américain.
Si l'on parle de la scène rap indé de l'an 2000, la situation est bien simple : elle n'existe plus. Il n'y a plus que quelques structures peu connues, qui entretiennent la flamme, je pense par exemple au webzine UGS Mag, ou à des labels comme le Fake Four des frères Ramos.
Que sont devenus les acteurs de la scène backpack aujourd'hui ? Les as-tu suivis ?
Je les ai suivis, oui, plus ou moins. Il est arrivé ce qui arrive à tous les artistes en vieillissant, les underground comme les plus connus : certains ont tout laissé tomber et mènent une vie de famille tranquille, d'autres sont toujours très actifs, et la plupart sont un peu entre les deux, sortant à l'occasion un disque ou un single par ci par là. Certains ont bien tiré leur épingle du jeu, comme El-P, qui s'est acheté une nouvelle jeunesse en duo avec Killer Mike. Certaines personnes, comme Nocando, le dernier grand héritier du Project Blowed en Calfornie, ou son comparse Open Mike Eagle, qui est issu de l'effervescente scène de Chicago de la fin des années 90, sont devenus des artistes respectés, avec des albums relativement visibles de la presse rap, même s'ils sont inconnus du grand public. Nocando est aussi le fer de lance du Hellfyre Club, qui maintient à Los Angeles la tradition d'un rap assez ouvert et expérimental, d'où est issu Anderson Paak, le rappeur et chanteur à qui l'on doit quelques uns des meilleurs moments des derniers albums de Dr. Dre et The Game.
On peut en citer d'autres, comme A-Trak, qui était à l'époque un membre de la scène DJ / turntablists liée de très près au rap indé et qui, aujourd'hui, est le patron de Fool's Gold, label rap au cœur de la branchitude. D'autres artistes aussi sont toujours très actifs et respectés, comme les CunninLynguists, par exemple, ou bien l'ensemble de l'écurie Rhymesayers Entertainment, qui continue à vivre sa vie. On peut citer aussi le duo de producteurs Blue Sky Black Death, dont l'un des membres avait commencé auprès de Noah23, soit le cœur même du rap de nerd canadien, avant de côtoyer des rappeurs plus connus, comme les affiliés au Wu-Tang Clan Warcloud et Hell Razah. Les anciens des Living Legends de Californie sont aussi toujours actifs. Ils sortent des disques, et on en a vus (Bicasso, Eligh, The Grouch) sur la collection de DJ Fresh The Tonite Show, où se sont aussi illustrés des gens aussi divers que The Jacka, Trae the Truth, Raekwon, Keak da Sneak, Freddie Gibbs ou J. Stalin.
Pour parler encore de Chicago, il y a eu le cas de Rhymefest, ancien vainqueur du Scribble Jam, qui est devenu un artiste de major, grâce à son copain Kanye West. Il y a eu Kid Cudi, qui a eu une influence au moins indirecte sur Drake, la superstar rap d'aujourd'hui, et qui était lui aussi lié à cette scène. Et puis il y a Kanye West lui-même, qui avait un pied dans le rap de backpacker. Comme l'avait dit Ice Cube une fois, Kanye West est celui qui a popularisé l'esthétique backpack auprès du grand public. C'est aussi de là que vient son goût pour l'expérimental, et l'intérêt de Jay-Z pour l'indie rock (Grizzly Bear, etc.) d'il y a quelques années.
Et puis puisqu'on parle des gens qui ont adapté le rap indé aux goûts du très grand public, il serait dommage de ne pas citer Macklemore, qui a popularisé l'émo-rap de Blancs auprès des adolescents. Il vient de là, lui aussi, et plus précisément de la riche scène underground du Nord-Ouest américain.
On pourrait continuer. A part ces derniers, rares sont ceux à être devenus vraiment célèbres. Le fait d'être un indé qui refuse de se plier aux exigences du grand public, est par essence incompatible avec le succès. Mais beaucoup sont des gens actifs et respectés, qui font partie de la grande famille rap.
Il y a en juste quelques uns qui sont toujours un peu marginalisés. Je pense à Antipop Consortium, qui intéresse peu le cœur du public rap, voire qui est un repoussoir. En 2010, d'ailleurs, en pleine hype autour d'Odd Future, alors que plusieurs critiques les avaient comparés à eux, leur leader Tyler, The Creator avait réagi très violemment sur son compte Twitter : "Who The Fuck Is Antipop Consortium? Can People Compare Us To Cool Musicians? Fuck". En gros, quelque chose comme : "c'est quoi ça, Antipop Consortium ? Y a-t-il des gens pour nous comparer à des musiciens cool ? Merde".
Avec le recul, je note que la scène backpack late 90s, très vivace et foisonnante, n'a laissé que très peu de traces dans l'histoire - non moins foisonnante - du hip-hop. Un disque comme Funcrusher Plus n'est que rarement cité dans les habituelles listes des magazines musicaux, même d'excellente qualité. Kool Keith n'a laissé qu'une impression de "mec drôle", de clown. El-P produit Killer Mike. Le Can Ox de l'an dernier était une catastrophe.
C'est la loi et c'est la beauté de la musique. Les genres se suivent. Ils naissent, ils explosent, ils meurent. Ils laissent derrière eux des œuvres qui vieillissent mal, et d'autres, beaucoup plus visionnaires et impérissables, dont les gens se souviennent, ou bien qu'ils redécouvrent 10, 20 ou 30 ans plus tard. C'est vrai de beaucoup d'autres phases du rap, si tu regardes bien, pas que de l'indé. Par ailleurs, cette phase de l'histoire du rap a laissé sa trace. Si on regarde bien, beaucoup des caractéristiques qui étaient les leurs ont triomphé aujourd'hui : l'ouverture aux autres genres ; le côté émotif, introverti ; l'utilisation intense du webmarketing. Ce mouvement rap indé, ça a été un mélange de conservatisme, de volonté de respectabiliser le rap, et de principes précurseurs.
C'est marrant, parce que les deux artistes ou œuvres que tu cites sont des contre-exemples de ce que tu avances. Je ne sais pas de quels magazines tu parles, peut-être les magazines français (la presse française est complètement out, la presse française, c'est Salut les Copains), mais Funcrusher Plus est, au contraire, très régulièrement cité comme l'un des plus grands albums rap de tous temps. C'est justement à peu près le seul album de cette phase à avoir été complètement panthéonisé. Et concernant Kool Keith, il a aussi une place incroyable dans l'histoire du rap, au moins pour ce qu'il a fait avec les Ultramagnetic MCs dans les années 80, si ce n'est avec les Cenobites et Dr. Octagon.
Concernant Cannibal Ox, je n'ai pas écouté le dernier album, et franchement je n'en attends rien. Mais soyons honnête, attendrions-nous avec impatience un album de Ma$e ? Jadakiss a sorti un album l'an dernier, mais tout le monde s'en fout, non ? Pourquoi écouter tous ces gens des années 90, à l'époque de Future et de Young Thug ? Les rappeurs sont comme les autres artistes, certains vieillissent bien (Kool Keith est peut-être l'un d'eux), mais la plupart perdent leur fougue avec le temps. Les indés comme tous les autres. La roue tourne. A la fin de l'histoire, il ne reste que les grands albums. Et c'est bien là tout ce qui compte. Tout le reste, ce n'est rien que du vent.
L'article de Julien Morel est publié sur Noisey France.
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