La vie de Torrence Hatch, alias Lil Boosie, désormais Boosie Badazz, est un roman. Le rappeur de Baton Rouge a grandi dans ce qu'il se fait de pire en matière de drogue et de violence. Son père a été assassiné. Il a lui-même été accroc à divers stupéfiants, et impliqué dans des actes de délinquance. Soupçonné un temps de meurtre, il a risqué la peine capitale, avant d'être condamné en 2009 à cinq ans de prison. Aussitôt libéré, il a dû affronter un cancer. Avant son incarcération, aussi, Boosie a eu le temps d'avoir sept enfants, dont trois avec sa femme légitime, laquelle a fait de ses infidélités et goujateries l'objet d'un livre, When The Music Stops. Car on vous l'a dit, la vie de Lil Boosie est un roman.
Cette vie chaotique a nourri une carrière entamée à la fin des années 90 via son cousin Young Bleed, et sous le parrainage de C-Loc. Tous deux appartiennent alors à Concentration Camp (oui, "camp de concentration", dont l'album de référence est Da Halocaust : on n'a jamais eu peur de rien dans le grand Sud), un groupe que Boosie rejoint autour de l'an 2000, à pas même 18 ans, l'année de son premier album solo.
Son parcours se poursuit sous la protection de Pimp C, qui l'accueille au sein de Trill Entertainment et le désigne avec Webbie (les deux rappeurs sortent deux albums ensemble), comme l'héritier de UGK. A partir de ce moment, la carrière de Boosie est lancée, et il devient le rappeur emblématique de Baton Rouge, un statut qu'il entretient par ses albums, par une intense activité sur scène, ainsi que par de nombreuses mixtapes sorties avant comme après la prison.
Apparue en 2006, la même année que son premier album en major, Bad Azz (les deux ont plusieurs morceaux en commun), Streetz Is Mine est sa contribution à la série des Gangsta Grillz de DJ Drama, et elle dévoile un rappeur sûr de son art. Dominée comme jamais par sa voix nasillarde et aigrelette, et par des sonorités sautillantes héritées de la musique bounce, cette mixtape part dans trois directions.
D'abord, le délire égotique, exploré d'entrée avec "Streetz Iz Mine", en toute fin avec le mordant et le grand "Set It Off", et sur ce "What About Me" où Lil Boosie cherche sa place dans le panthéon du rap. Ensuite, les femmes, qui le font tourner en bourrique ("Beat It Up"), qui l'attendent aux quatre coins des Etats-Unis ("Distant Lover"), qu'il emmène faire le tour du monde ("Sexy Lady"), et qui l'excitent quand elles se livrent à des ébats lesbiens ("They Dykin'", sur l'instrumental du "Trap Star" de Young Jeezy). Et puis aussi, le rap social, avec des piques contre la police ou l'administration Bush ("I'm Mad") et des reportages sur la cruauté du ghetto, comme le superbe "You Don't Know My Struggle".
Le titre de la mixtape dit la vérité. En 2006, grâce à son mélange d'entrain, d'humour, de faim et de colère, les rues de Baton Rouge appartiennent à Lil Boosie. Il ne cessera jamais d'en être le roi. Et ses cinq années passées au Louisiana State Penitentiary, pendant lesquelles "Free Boosie" deviendra un mot d'ordre dans le milieu rap, n'affecteront pas ce statut.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/2347