Guwop a eu une bonne année. Peut-être même la meilleure qu'il n'ait jamais eue. D'abord, il est sorti de prison, et à cette occasion, il s'est métamorphosé : il nous est reparu sobre, en forme et tout pimpant. Ensuite, il a bénéficié d'une grande couverture médiatique, grâce à laquelle il a atteint un niveau inédit de notoriété et de reconnaissance. Il a eu aussi son premier single numéro 1 aux Etats-Unis, "Black Beatles", par l'entremise de Rae Sremmurd. Et puis, cerise sur le gâteau, il a demandé en mariage sa tendre et chère. Cependant, quelque chose ne changera jamais avec Gucci Mane. Il demeurera, désespérément, un rappeur à mixtapes. Car bien que son album officiel, Everybody Looking, se soit montré de très bonne facture, sa grande sortie de 2016, c'est un projet secondaire du nom de Woptober.
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Vu de loin, pourtant, ce dernier se différencie peu d'un album en bonne et due forme : il contient 13 titres propres et bien produits. Ses invités sont de première classe, principalement Rick Ross, autre grand nabab du rap sudiste. Et très vite, il est devenu payant. Mais Woptober n'est pas sorti en version physique. Et surtout, malgré un son actualisé par les meilleurs producteurs d'aujourd'hui (London on da Track, Metro Boomin, Honorable C.N.O.T.E., Will-A-Fool, Southside, Drumma Boy, TM88, ainsi que le fidèle Zaytoven), il marque un retour aux fondamentaux de Guwop : ces petites ritournelles entêtantes où sont déclinés, sur un mode loufoque et répétitif, les thèmes de l'argent ("Money Machine"), du sexe ("Icy Lil Bitch" et "Love Her Body"), de la conception et de l'absorption de drogue ("Addicted"), avec en sus une pointe d'agressivité et de violence anti-flics ("Fuck 12", "Aggressive").
Et, si l'on met de côté ces passages en pilotage automatique que sont "Hi-Five", "Out the Zoo" et "Right on Time" (comme y déclare le rappeur : "je suis en roue libre, je n'ai même plus le temps d'écrire un vers"), c'est encore ce que le maître sait faire de mieux. Ces petites mélodies qui vous entrent dans la tête, souvent exécutées au piano, ces onomatopées bien senties, que ce soit l'éternel "burr" ou le bruit d'une trieuse à billets sur "Money Machine", ces jeux avec les répétitions, comme quand il s'amuse avec la polysémie du titre sur "The Left" : tout ce dont, depuis 10 ans, depuis Chicken Talk, Guwop nous délecte, se retrouve encore ici.
Woptober, pourtant, c'est bel et bien du Gucci Mane actuel, comme le souligne la production particulière de Metro Boomin, sombre sur "Bling Blaww Burr" (un single avec Young Dolph), évaporée sur "Dirty Lil Nigga", tout autant que l'angle social parfois choisi par le rappeur. C'est d'ailleurs la présence simultanée du vieux et du nouveau Guwop, le jeune et le vétéran, le décérébré et le sage, qui caractérise le finale de la mixtape, et son moment le plus remarquable. Sur le génial "Addicted", en effet, on détecte un soupçon de chronique sociale et familiale derrière ce qui, à première vue, n'est qu'une litanie absurde et humoristique où le rappeur, avec une voix naïve et enfantine, égrène à n'en plus finir la liste de ses addictions : femmes, belles voitures et toutes sortes de drogues. Gucci Mane, donc, est accroc à tout ce qui bouge. Mais nous, nous sommes toujours et définitivement accrocs à lui.
"Out the zoo", morceau en pilotage automatique ? Sérieusement ? C'est le meilleur morceau de la mixtape et, peut être, le meilleur titre de Gucci Mane en 2016....