C'est devenu, semble-t-il, une règle intangible : à la source de tout buzz dans le rap des années 2010, inéluctablement, on retrouve Drake. En effet, c'est après la diffusion d'une vidéo qui montrait le Canadien fêter son anniversaire sur le son du "Shoutout" de Cousin Stizz, que l'on a vu monter la cote de ce dernier. Produit par O'Beatz, ce morceau est devenu une sorte de tube au cours de 2014. Et l'année d'après, le rappeur a pu confirmer l'essai avec une mixtape considérée par certains comme l'une des meilleures de 2015. Il en est devenu un porte-drapeau pour Boston, une ville qui, jusqu'ici, n'a jamais vraiment été une place forte du rap.
Cet ancrage local, Cousin Stizz l'affirme fortement sur ce projet, Suffolk County étant titré d'après l'un des comtés où s'étend la ville, celui-là même où il a grandi. A l'origine un protégé de Michael Christmas, figure du rap de Boston, il n'a invité qu'un seul rappeur, Jefe Replay, issu lui aussi de la capitale du Massachusetts. Et il s'emploie à y rendre compte de son existence sur place, une existence faite des habituels trafics de drogue, seule manière de s'offrir ces distractions que sont l'argent et les femmes, eux-mêmes une réponse à l'ennui dont il nous parle dès le premier morceau, "Ain't Really Much" ; ou sa source, au contraire ("Fed Up").
Cousin Stizz, qui ne cache pas qu'il tient le gros de ses influences d'Atlanta, cultive donc les thèmes éternels du trap rap. C'était clair dès les paroles de "Shoutout", une ode à l'argent et aux stupéfiants ("shoutout to the money, love the drugs"). Dès ce titre, pourtant, il usait déjà d'une approche particulière, qu'il déploie avec systématisme sur l'ensemble de Suffolk County.
Comme pour mieux souligner cette torpeur qui domine sa vie, la musique qui l'accompagne se montre singulièrement lente. Formellement, c'est trap. Au-delà des textes, les phrasés, les refrains, les rimes simples et l'usage des répétitions, tout autant que les beats, appartiennent à ce registre. Mais tout cela est alangui, appesanti, légitimant l'appellation de "dream trap" aperçue quelque part pour qualifier le style du Bostonien. C'est encore plus saisissant sur le titre qui suit "Shoutout", "Fresh Prince", une suite de phrases déclamées sur le même mode, avec des percussions trépidantes et une boucle d'orgue obsédante, mais sur un tempo mou.
On redoutait que Cousin Stizz ne soit l'homme que d'un seul titre. Mais en fait, "Fresh Prince" démontre le contraire : ce morceau est supérieur à "Shoutout". Il est plus hypnotique, tout comme les autres singles, "Dirty Bands", "Bonds" et ce sommet de minimalisme qu'est "No Bells". Même chose des deux parties, également atmosphériques, du finale "Jordan Fade". Cousin Stizz a capitalisé sur le buzz en peaufinant sa mixtape. Le rythme pesant qu'il a choisi pour s'exprimer occasionne de manière prévisible quelques moments d'ennui, faisant du plus relevé "I Got It" une exception bienvenue. Mais Suffolk County, dans son ensemble, fait du rappeur de Boston bien autre chose qu'une sensation passagère approuvée par Drake.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/2338