Thomas Valencia, alias Tommy V, est un nom familier pour qui a suivi tous les remous de la scène post-Project Blowed à Los Angeles. Le rappeur était l'un des multiples personnages qui évoluaient alors dans le sillage des Shape Shifters. Il avait notamment été aperçu auprès du plus connu de la bande, Awol One, et il avait sorti en 2001 un album, Quarter Life Crisis, où figuraient aussi quelques figures du label Anticon. Enfin, un peu plus tard, il avait accompagné Xololanxinxo et les frères Ramos au sein du quartet Toca, dont le grand mérite avait été de tirer quelque chose de jubilatoire d'un vaste bazar musical fait de punk, de pop indé et de latin rap.
Comme tant d'autres acteurs de cette scène là, Tommy V a disparu ensuite des écrans radar, pendant plusieurs années. Puis il a refait surface en 2012, avec un nouvel album distribué en téléchargement libre, avec l'aide (sans surprise) de Fake Four, la structure administrée par ses complices Ceschi et David Ramos. Depuis, Mockingbird est devenu le projet gratuit le plus téléchargé du label, ce qui a sans doute encouragé le rappeur à persévérer, et à sortir fin 2014 un album en bonne et due forme. Intitulé Travel Size Drawing Board, ce disque nous ramène aussi aux meilleures heures des projets éminemment éclectiques proposés autrefois par Toca.
Commençant avec autodérision par un titre qui proclame que, non, notre homme n'est pas obsolète, l'album joue tout du long des contradictions : il est, en effet, tout à la fois dépressif et gai, il se caractérise par une sorte de mélancolie joyeuse, renforcée par ces phrasés jouant à plein de la vitesse et de la mélodie. La tournure est parfois très emo (cf. le très joli "Lament – Life - Love"), mais elle est sauvée du rédhibitoire par l'humour et par l'entrain de la musique.
Car sur ce dernier point, le moins que l'on puisse dire, c'est que ça secoue et que ça remue avec le rap bâtard, éclectique et sautillant de Travel Size Drawing Board. On y trouve absolument de tout. Des titres rappés, comme des instrumentaux. Des sifflements ("Check the Fridge"), de l'accordéon ("The Search"), du ska ("Broken English"), de la musique de cirque ("Blind Optimism"), des mélodies orientales ("Run With It"), des mélopées amérindiennes ("Native Ode"), des guitares ("Set No Path, Never Lose Your Way"), des chants féminins évaporés ("Restless World", "Wander", "If You Need Me…"), sans oublier le plat de résistance de cet album, un posse cut rappé en Espagnol ("Aguacate Con Todo"), et puis, autre exercice rituel de la tradition indé, un hommage old school à la culture hip-hop ("Drop the Needle").
Aussi, pour que les retrouvailles soient plus belles, Tommy V s'est entouré des suspects habituels à toute cette scène, ou plutôt de ce qu'il en reste en 2014 : les frères Ramos évidemment ; le compère Awol One bien sûr, plutôt en verve sur "Got Clue?" ; l'autre grand nom de cette époque là, 2Mex ; quelques autres Shape Shifters ou affiliés comme Existereo, Maleko, et Gel Roc et Regret d'EX2 ; et puis le chanteur indie pop attitré des artistes Fake Four, Gregory Pepper. Des retrouvailles, effectivement : Travel Size Drawing Board est exactement cela, tant par les gens qui sont conviés sur ce vrai bon album, nettement plus solide et travaillé que Mockingbird, que par la réapparition à l'identique de l'esprit d'une scène et d'une époque.
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