Le meilleur de Rick Ross n'est peut-être pas sur ses albums officiels. Sa sortie la plus mémorable, en effet, pourrait bien être son Forever Rich de 2012, en fait la mixtape annonciatrice d'un opus, God Forgives, I Don't, qui s'est finalement révélé bien moins convaincant qu'elle. Deux années plus tôt, le gros barbu de Miami nous avait déjà fait plus ou moins le même coup, en proposant un projet présenté comme un EP, mis à disposition à la manière d'une mixtape gratuite, mais en fait de qualité album (il y aura d'ailleurs une sortie CD), sans doute même supérieur à ce Teflon Don dont il n'était censé être que l'avant-goût : The Albert Anastasia EP.
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Albert Anastasia, pour ceux qui l'ignorent, c'est un célèbre mafioso du milieu du XXème siècle. Quant à Larry Hoover et Big Meech, auxquels Rick Ross s'identifie sur ce qui allait devenir l'un de ses titres les plus emblématiques, "B.M.F. (Blowin' Money Fast)", ce sont aussi des chefs de gang, Noirs ceux-là, le dernier cité ayant été le leader d'un autre B.M.F., la Black Mafia Family. Avec de telles références, il était clair que le rappeur de Miami allait donner à fond dans son numéro habituel : celui du nabab de la drogue vivant dans la démesure, au beau milieu de femmes-objets et d'un luxe inouï. Tout cela était donc très prévisible. Mais pour décupler ses propos tout en emphase, d'une outrance qui confine à la bouffonnerie, Rick Ross avait fait les bons choix musicaux : il avait opté pour des sons dans le même registre que ses paroles, des sons énormes, excessifs et grandiloquents.
A commencer par ceux de Lex Luger. Passée une introduction signée Diddy (lequel, avec son opportunisme habituel, avait alors décidé de cornaquer le Floridien), ça bastonnait tout de suite sur The Albert Anastasia EP, avec deux bangers absolus, dans le plus pur style de ce producteur qui, en 2010, l'année de Flockaveli, était en état de grâce : "MC Hammer", et donc le tube "B.M.F.", avec Styles P. D'emblée, on en prenait plein la figure. La voix grave, chaude et assurée de Rick Ross se conciliait admirablement bien avec les sons bruts de décoffrage de Lex Luger, peut-être même mieux que celle de Waka Flocka. Et le fait que ces deux titres étaient placés dès le début du Albert Anastasia EP jouait aussi en sa faveur, consacrant l'une des supériorités de cette sortie par rapport à Teflon Don. Une autre, c'était que Rick Ross s'exprimait alors seul, sur "MC Hammer", sans ce couplet postérieur de Gucci Mane qui n'apporterait finalement rien au morceau.
Après cela, certes, il était difficile de s'en remettre. Les titres d'après pouvaient même paraître fades, par rapport à ces deux là. D'autant plus qu'on y trouvait un peu tout et n'importe quoi : du R&B doucereux avec Trey Songz (et Birdman en prime) sur "All I Need", John Legend sur le scintillant "Sweet Life" et Ne-Yo sur "Super High", dédiés à la grande vie menée soi-disant par les gangsters ; du boom bap plein de soul façon années 90, avec le vétéran Kool G Rap (oui, Kool G Rap, sur un disque de Rick Ross) sur "Knife Fight" ; à nouveau des titres qui tapent fort, à l'image de "300 Soldiers" ; ou bien encore du funk 70's avec "Gotti Family", un duo avec Yo Gotti bâti sur le "Work to Do" des Isley Brothers (forcément, on se doute de quel genre de travail il était question, avec de tels lascars…).
Mais ces autres parties apportaient aussi de grandes satisfactions, "Super High", avec sa saveur très années 70, une ode amoureuse à la mode mafioso, était un bon titre de R&B ; "White Sand pt. II", un morceau pas toujours apprécié à sa juste valeur, était pourtant plutôt pas mal, avec ses contributions des Triple C's, un certain Gunplay en tête ; et "Fire Hazard" revenait à ces synthés tourbillonnants qui sont, décidément, ce qui sied le mieux au rap clinquant de Rozay. Au bout du compte, même si ce dernier tirait ses cartouches gros gibier dès le début du disque, au risque d'achever l'auditeur d'emblée, The Albert Anastasia EP était du Rick Ross de premier choix, un élément de poids dans sa discographie.
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