L'année rap 2015 a commencé par une décharge d'énergie juvénile. Le 6 janvier, en effet, annoncé par "No Flex Zone" et "No Type", singles fougueux et irrésistibles qui ont déjà marqué 2014, est sorti l'album de Rae Sremmurd. Les garçons derrière ce nom ont beau ne pas être si jeunes que cela (les frères Khalif et Aaquil Brown, alias Slim Jimmy et Swae Lee, ont en fait passé la vingtaine), ils font preuve ici d'une vitalité adolescente plus entendue depuis longtemps, et qui leur a valu d'être considérés comme une version réactualisée de Kriss Kross.
Rae Sremmurd a son propre Jermaine Dupri, son propre pygmalion, en la personne de Mike Will Made It. L'étrange nom du duo, d'ailleurs, n'est autre que celui de son label, Ear Drummer, écrit au pluriel et à l'envers. Le producteur d'Atlanta est aussi l'artisan principal de leurs sons, quelques titres seulement étant produits par d'autres, notamment Sonny Digital et Young Chop. Après avoir accompagné l'ancienne égérie Disney, Miley Cyrus, dans sa descente vers le vulgaire et l'outrance, Mike Will emprunte avec Rae Sremmurd le chemin inverse : il infantilise la trap music, transformant ses raps sales de délinquants patentés en hymnes pour teenagers.
Les deux frères sont originaires du Mississippi (et plus spécifiquement de Tupelo, la ville d'Elvis Presely), mais leur musique porte toutes les marques de la trap d'Atlanta, où ils sont désormais établis. Les mélodies synthétiques simples et accrocheuses sont là, les paroles répétitives et entêtantes aussi, de même que les thèmes habituels : la drogue, l'argent ("Up Like Trump"), et puis les filles bien sûr, vues sous un prisme misogyne ("My X"), via l'univers des strip-clubs ("Come Get Her", "Throw Sum Mo") ou, quelquefois, de façon romantique ("This Could Be Us"). Toutefois, plutôt que par des dealers patentés ou des junkies au stade ultime de l'addiction, tout cela est déclamé par de sales gosses avides de fêtes, comme annoncé d'entrée sur l'ode à la jouissance qu'est "Lit Like Bic", puis à la fin avec le single "No Type" et ''Safe Sex Pay Checks".
Et il faudrait être imperméable au plaisir pour résister aux onze plages que nous offrent les frères Brown, en particulier celles, pas moins de cinq ("No Flex Zone", "No Type", "Throw Sum Mo", "This Could Be Us", "Come Get Her"), qui ont fait l'objet d'un single. Ajoutés à cela une durée optimalement courte de trois quarts d'heure, et tout ce qu'il faut de renforts (Big Sean, Jace de Two-9, ainsi que le rappeur et la rappeuse en forme de notre époque, Young Thug et Nicki Minaj, sur "Throw Sum Mo"), et l'on tient là l'album hédoniste de notre époque.
Au cours d'une année 2015 marquée par l'omniprésence de vétérans, Rae Sremmurd et Mike Will rappellent que le rap fût à l'origine une musique festive, ludique et irrévérencieuse. Tout en étant parfaitement en phase avec le son et les thèmes de leur époque, ils le ramènent à sa source. Ils sont une cure de jouvence et d'insouciance, et cela n'est rien d'autre que salutaire.
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