L'un des événements de l'année rap 2015, c'est la renaissance de Future. Après avoir raté sa mise en orbite avec un second album mal aimé, Honest, le rappeur d'Atlanta est revenu à ses fondamentaux avec une série magique de mixtapes réussies, lesquelles ont abouti à la sortie surprise et au succès critique comme public d'un très bon album, DS2. Mais si seconde naissance il y a, aujourd'hui, c'est qu'il y eut autrefois une première. Et celle-ci, au début de la décennie, a pris une forme assez proche : le premier temps fort de la carrière de Future, son album Pluto en 2012, a été précédé lui aussi par une salve de mixtapes remarquables, Dirty Sprite, Streetz Calling et, pile entre ces deux-là, le formidable True Story.
On sait que Nayvadius Wilburn ne vient pas de nulle part. Il a été le protégé de Rocko, et il est le cousin de Rico Wade de la Dungeon Family, collectif matriciel de la scène d'Atlanta. Ce sont d'ailleurs les membres de ce dernier qui lui ont trouvé son pseudo, décrétant qu'il serait le futur du rap.
Ses premières mixtapes leur ont donné raison : Future, en effet, y définit l'avenir. Il y formule un style qui façonnera le rap de demain, un style caractérisé par deux grands traits : un flow puissamment mélodique, où il n'est plus possible de distinguer le rap du chant ; une grande charge émotionnelle, mais qui s'accommode de l'univers violent, matérialiste, dur, sexiste et envahi de drogues propre à la trap music.
True Story représente tout cela. En plus des tubes qui ont révélé Future, comme "Magic" et "Tony Montana", à la base des égo-trips étincelants (présents ici dans leurs versions les plus pures, sans les remixes et les invités inutiles de Pluto), le rappeur y expose des failles. D'une voix rugueuse où doute et assurance se mêlent inextricablement, il ouvre son coeur.
La misogynie d'un "Aint No Way Around" masque avec peine sa détresse sentimentale. La paranoïa s'empare du rappeur sur un "Smoke Mirror" sur les faux-semblants de l'amitié. Son désordre mental est crûment mis à nu sur "Bigger Picture". Et il témoigne des vertus énergisantes de l'amour (celui des femmes, ou celui des fans) sur "Feeling I Get".
Future est un homme qui saigne. Il fait du rap un nouveau blues, celui des drogués, des voyous et des dysfonctionnels. Mais il demeure un rappeur. Sa douleur n'est pas celle des autres, elle n'est pas celle du monde : elle n'est que la sienne. Même s'il invite ses amis du FreeBandz (dont Young Scooter, sur cinq titres), ainsi que Waka Flocka et son parrain Rocko, il reste centré sur lui-même, il est dans le délire égotiste propre au rap. Tout cela, c'est le style Future. Et avec True Story, une mixtape exemplaire, dont le début est parfait avec la succession de "Freeband Gang", "Magic" et "Tony Montana", c'est encore nouveau, et c'est déjà époustouflant.
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