Aux yeux du grand public, c'est avec l'album Get Rich Or Die Tryin', en 2003, que 50 Cent devient la nouvelle superstar du rap, celle du début de la décennie. Le succès de ce disque est retentissant. Il s'écoule à près de 700 000 exemplaires dès la semaine de sa sortie, et il occupe d'emblée la deuxième place des ventes aux Etats-Unis. Ce triomphe, cependant, ne vient pas de nulle part. L'album, tout d'abord, est alors produit et parrainé par deux des plus grands noms du rap, Eminem et Dr. Dre. Et si ces deux-là se sont entichés du nouveau phénomène new-yorkais, c'est que des mixtapes ont permis à Curtis James Jackson III de préparer le terrain, notamment celle-ci, la bien-nommée 50 Cent Is The Future.
En 2002, année de sa sortie, 50 Cent est à la croisée des chemins. Entamée au milieu des années 90 auprès de Jam Master Jay, sa carrière connaît un coup d'arrêt quand, à la suite d'une tentative de meurtre subie en 2000, il est rejeté par son label. L'industrie du disque estime alors qu'il sent trop le soufre. Pour trouver le chemin de la rédemption, le rappeur va donc passer par le circuit des mixtapes. L'une d'elles, Guess Who's Back, une compilation de titres passés, est alors appréciée par Eminem, qui devient sa bonne fée. Mais la plus marquante, celle qui sera la bande-son de l'été 2002 chez les amateurs de rap, c'est donc 50 Cent Is The Future.
Cette mixtape pille la musique de plusieurs artistes, Jay-Z, Mobb Deep, Ruff Ryders, Jadakiss, Ma$e et d'autres encore, et la pioche est bonne. Mais le plus remarquable, c'est bien 50 Cent lui-même. Il ne se contente pas de s'accaparer les instrus des autres. Il les sublime, il les rend plus percutantes, de sa voix légèrement chuintante (une séquelle de la balle qu'il a reçue au visage), avec ce phrasé fluide et doux qui n'hésite jamais à passer au chant. Et les autres rappeurs ne sont pas négligeables non plus. Comme l'indique en effet la jaquette, où figurent trois hommes, cette mixtape n'est pas un projet solo, mais bel et bien celui du collectif de 50 Cent, G-Unit, représenté par Lloyd Banks et Tony Yayo, ainsi que par le principal DJ derrière la mixtape, Whoo Kid.
Compte-tenu des bases new-yorkaises de 50 Cent et des gens dont il recycle la musique, le contenu s'inscrit dans la tradition boom bap de la Côte Est. Et pourtant elle sonne plus actuelle, le rappeur ayant suivi les enseignements d'un rap du Sud alors en plein essor. Son style, pour l'essentiel un égo-trip démesuré et menaçant, est plus souple que l'austère rap new-yorkais. Et son personnage, qui a quelque chose d'excessif et d'irréel, affiche comme au Sud un matérialisme éhonté, et non dénué d'humour. Quelques moments témoignent de ce tropisme méridional, comme quand il se réfère à Ludacris sur "U Should Be Her", puis sur "A Lil' Bit Of Everything UTP", quand la G-Unit s'unit à UTP, le groupe de son futur membre, Young Buck, et de Juvenile.
50 Cent est le futur. Le titre le proclame, le contenu le prouve et l'avenir le confirmera, faisant du leader de la G-Unit l'archétype même du survivant, du mauvais garçon devenu grand rappeur (et redoutable homme d'affaires). L'influence de 50 Cent Is the Future sera même plus grande encore. Cette sortie, qui deviendra plus tard un CD en bonne et due forme, va non seulement propulser la carrière de son auteur. Elle fait du format mixtape, une fois pour toutes, la rampe de lancement pour tout rappeur en soif de succès.
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