S'ils n'ont jamais été un mauvais groupe, loin s'en faut, les Roots ne se sont pas moins bonifiés avec le temps, sur au moins deux dimensions. La concision d'abord, les longs albums et les morceaux aux allures de jam des débuts ayant laissé place à une musique plus focalisée, plus resserrée. La diversité ensuite, le jazz rap 100% organique des origines s'étant ouvert peu à peu à la technologie, puis à d'autres genres musicaux, soul, funk ou rock. Le disque le plus représentatif de cette double évolution, c'est assurément undun, leur album de 2011, l'un des plus notables parmi ceux sortis dans les années récentes de leur très longue carrière.

THE ROOTS - Undun

Concis, undun l'est. Il ne dépasse pas les quarante minutes. Qui plus est, son propos est circonscrit à une seule histoire. L'album, en effet, a pour objet de retracer le parcours d'un personnage fictif, Redford Stevens, chaque rappeur présent (Black Thought bien sûr, mais aussi les invités Big K.R.I.T., Dice Raw, Phonte, Greg Porn et Truck North) se chargeant, à tour de rôle, de l'incarner et de faire part de ses pensées.

Le récit, par ailleurs, est relaté à rebours. Le premier morceau évoque la mort de Stevens, violente et prématurée, et chaque plage retrace ensuite les étapes qui l'ont mené à cette fin tragique. La seule chose habituelle ici (le cliché, même), c'est le thème, celui d'un jeune Noir engagé sur la voie rapide mais périlleuse du trafic de drogue. Et comme The Roots, le groupe rap adulte et responsable par excellence, est aux manettes, il s'agit de pointer du doigt les conditions sociales qui ont conduit leur homme sur ce chemin fatal.

Undun, aussi, consacre l'éclectisme sans cesse grandissant des Roots. Dans la foulée de l'album précédent, How I Got Over, où ils avaient collaboré avec des membres de Dirty Projectors, il poursuit son flirt avec l'indie rock. L'artiste de référence cette fois, c'est Sufjan Stevens. Le personnage de Redford Stevens est le sien : le nom vient d'un titre, "Redford (For Yia-Yia & Pappou)", issu de son album Michigan. Le chanteur le réinterprète ici, en fin de disque, en premier volet d'une "Redford Suite" menée en quatre mouvements.

Mais il y a aussi des titres funky sur undun ("Kool On"), du rock psyché ("Stomp"), du R&B classieux à violons ("I Remember"), du classique avec "Finality", du jazz avec le jeu entre piano et batterie de "Possibility", et la soul des très beaux "The OtherSide", chanté par Bilal, et "Tip The Scale".

Et tout cela s'agence assez bien, sans doute parce que derrière, constamment, se décarcasse le même groupe multi-instrumentiste rompu au live, parce qu'il y a perpétuellement la batterie acrobatique de Questlove, qui garantit au tout une certaine unité de ton. Grâce à cela, grâce aussi à l'histoire de Redford Stevens qui l'unifie et qui le consolide, undun, s'il n'est pas le meilleur album sorti par The Roots, pourrait bien être leur plus compact et leur plus cohérent.

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