Au début des années 2010, Nocando semble porter à lui seul tout l'héritage du Project Blowed, et au-delà d'une bonne portion de la scène hip-hop indé californienne. Il a été le vainqueur de la pénultième édition du Scribble Jam. Il est l'un des fondateurs des soirées Low End Theory, dont il est le rappeur attitré. Il est au cœur du Fresh Coast Movement, une confrérie de rappeurs virtuoses issus de toute la Côte Pacifique. Et il a créé le Hellfyre Club, un label refuge pour l'underground rap de Los Angeles. Qui plus est, ses propres sorties sont loin d'être négligeables, notamment ce Jimmy the Lock, un premier album officiel apparu en 2010.
Preuve de la place centrale acquise par Nocando dans cet univers, ce disque était un grand raout de tout l'underground californien (et au-delà). Le rappeur y conviait ses amis Busdriver et Open Mike Eagle, et toute une ribambelle de producteurs, Nosaj Thing, Free the Robots, Daedelus et Nobody, qui proposaient des beats biscornus et teintés d'électronique, à la mode Low End Theory. A ceux-là s'ajoutaient Thavius Beck, un certain Maestroe et le Canadien Nicholas Thorburn (alias Nick Diamonds) sur "You Got Some Nerve", un habitué du grand écart entre indie rock (il a été le leader des Unicorns et d'Islands) et indie rap (il collaborera aussi avec El-P). Enfin, comme il se doit dans cette tradition hip-hop, quelques turntablists et DJs comme D-Styles, The Gaslamp Killer et DJ Zo, venaient insérer leurs scratches ici ou là.
Forcément, avec autant de monde, et parce qu'il naviguait sans cesse de la pop à l'électronique en passant par un rap plus direct, cet album composite était désorientant. Avec ses sons électroniques, on frôlait parfois l'indigeste, comme à chaque fois que le hip-hop cherche à s'anoblir au contact de glitch, de dubstep ou de je ne sais quel autre gros mot de ce type. Mais Jimmy the Lock nous livrait aussi des moments inspirés, comme avec le beat de Nosaj Thing sur "Head Static", l'haletante virée dans L.A. relatée sur "Exploits and Glitches", l'urgent "Front Left Pocket" mâtiné de chants souls et un "I’m On" caractéristique du style virevoltant de Thavius Beck. Produit par le même, "Two Track Mind" était quant à lui un tube, quasiment. Même le Busdriver récent, celui qui irrite tout le monde en s'échinant à chanter, y semblait à point.
Mais ce qui était constamment remarquable sur cet album remarquablement inconstant, c'est le flow plastique, mais franc et assuré, du battle MC Nocando. Un homme qui, tout indé qu'il est, sait néanmoins nous parler, parfois, de fric, des filles, de sexe ou de fiesta, et qui n'oublie rien du côté sale, branleur, dangereux et canaille qui, bien souvent, fait la saveur du rap. Un rappeur qui était la valeur sûre de l'arrière-garde du Project Blowed, quelles qu'aient été les expérimentations vaines où, parfois, se sont égarés les habitués des soirées Low End Theory.
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