Difficile à croire, tant le rappeur est aujourd'hui fermement installé au centre de l'underground rap de Los Angeles. Et pourtant, c'est bien le cas : Jimmy the Burnout n'est que le second album solo de Nocando. Si ce n'est le EP Sincerely Yours, produit par Nobody, le 10 Haters proposé en 2011 par le duo Flash Bang Grenada, formé avec Busdriver, ainsi qu'une poignée de projets gratuits, le dernier grand MC issu du Project Blowed n'avait rien sorti depuis Jimmy the Lock, en 2010. Ce nouvel opus officiel était donc très attendu, en tout cas par tous les amateurs de hip-hop alternatif, sophistiqué et intello, par tous les adeptes de raps audacieux et virtuoses. Et grosso modo, il leur apporte ce qu'ils espéraient.

NOCANDO - Jimmy the Burnout

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Ce disque ne se contente pas de partager un prénom (Jimmy, pour James McCall, vrai nom de Nocando) avec celui d'avant. D'autres points communs existent, notamment ces beats aux sonorités électroniques, issus des soirées Low End Theory. Il y a aussi ces raps introspectifs et réfléchis, et pourtant agressifs et tranchants. Représentatif de ces deux approches est par exemple "Never Looked Better", un morceau sur le thème adulte par excellence, celui de l'amour déçu, déclamé sur un fond étrange de clochettes et de susurrements féminins malsains. Et puis toujours, chez Nocando, il y a ce refus absolu de toute formule, routine ou convention, qui se traduit par une grande diversité.

Cette variété, c'est à la fois la richesse et la limite du disque. Sa richesse, parce que Jimmy the Burnout compte de nouveaux moments d'anthologie : l'introductif (et avant cela, le single annonciateur) "Little Green Monsters", articulé autour d'un beat fait de bruit de verres qui s'entrechoquent et d'un synthétiseur vrombissant, est minimaliste et traumatisant à souhait ; le remix chaotique de "Zero Hour" fait aussi son petit effet ; et le grandiloquent "Hellfyre Club Anthem", dévastateur et mordant, est bel et bien ce qu'il annonce : un hymne.

Mais le côté touche-à-tout de Nocando, sa volonté de s'essayer à tous les registres, pose aussi problème. Parfois, elle donne lieu à des passages à la limite de l'anomalie, voire même douteux, à l'image de ce "Break Even" chanté sur fond de cuivres rutilants, du R&B langoureux et sirupeux de "Too Much Too Ask" (un autre titre sur les difficultés relationnelles), d'un "Any Day Now" jazzy mou-du-genou, ou encore de "Grown Man Work", où le rappeur s'essaye à son antithèse, la trap music. Et on ne sait que penser de "Lucid Dream", un titre à la fois funky et éthéré produit par Dâm-Funk, sinon qu'il confirme que Jimmy est bien moins à l'aise quand il cesse de se faire hargneux et belliqueux.

Il est comme ça, Nocando. Il tente, il prend des risques. Et partant, il est plus que jamais, au cœur même de la décennie 2010, l'incarnation par excellence du rap le plus cérébral et le plus expérimental, pour le meilleur comme pour le pire.