Scarface, Willie D et Bushwick Bill, K-Rino, DJ Screw et Michael "5000" Watts, Devin the Dude, Paul Wall et Chamillionaire, Slim Thug, Z-Ro et Trae that Truth, et tant d'autres encore. Houston a tant apporté au rap qu'on en oublie parfois que son statut de scène majeure, acquis après le succès considérable du "Mind Playing Tricks on Me" des Geto Boys en 1991, n'est pas toujours allé de soi. Aussi Maco L. Faniel, un doctorant à la Rutgers University, a-t-il voulu investiguer sur l'avant, sur sa genèse. Il a cherché à comprendre comment cette métropole, si éloignée de New-York et de la Californie, a pu être l'une des premières à populariser un rap venu du Sud.
L'auteur remonte aux origines, avant même l'ère hip-hop. Il rappelle d'abord que Houston a toujours été une ville active pour les musiques noires, engendrant des artistes importants du jazz, du blues, ainsi que du zydeco. Ensuite, il parle de l'implantation du rap dans la ville, de 1979 à 1986, rendant hommage aux figures clés de cette scène des premiers jours, le rappeur K-Rino, les DJs pionniers Steve Fournier et Carlos "DJ Styles" Garza, et à des lieux de rencontre comme le Rhinestone Wrangler, un club, et le disquaire Soundwaves. Faniel décrit ainsi une scène rap précoce, active et très mobilisatrice, dont la vivacité impressionnera Lyor Cohen et Rick Rubin, grâce auquel se fera la connexion avec l'aristocratie rap originelle, la new-yorkaise.
La scène rap de Houston des années 80 est si vivante qu'elle verra passer quelques artistes qui, ensuite, se distingueront sous d'autres cieux : le rappeur blanc grand public Vanilla Ice, la semi-légende californienne King Tee et l'un des créateurs du son new-yorkais des années 90, DJ Premier. Et puis, Houston donnera naissance à un label emblématique, le Rap-A-Lot de James Prince, et à l'un des groupes les plus importants du rap, les Ghetto Boys, futurs Geto Boys. Aussi, pas très loin d'ici, dans la ville de Port Arthur, apparaîtra UGK, duo fondateur du son spécifique du Sud des Etats-Unis. Tout cela aussi, Maco L. Faniel nous le conte dans le détail.
Cependant, il ne le fait pas toujours bien. Purement chronologique, sa narration manque de fil conducteur. Par exemple, Faniel nous parle des multiples incarnations des Geto Boys, revient sur trois ou quatre paragraphes sur la création d'UGK, puis retourne au groupe précédent sans crier gare. L'amateurisme domine, comme avec cette postface qui nous expose la postérité du rap de Houston, puis passe tout à coup au récit à la première personne d'une certaine Julie Grob, une bibliothécaire dont on ne savait rien jusqu'ici. Aussi, de vilaines coquilles se sont immiscées dans le livre. Par exemple, la Cité des Anges est souvent orthographiée "Los Angles".
Plus ennuyeux, ce livre ne nous propose aucune réflexion, il est purement factuel. Faniel nous donne des noms, il nous explique le comment du développement du rap de Houston, mais il n'apporte aucune réponse au pourquoi. Que le hip-hop local soit devenu gros parce qu'il y a eu des gens pour le faire vivre, soit. Que ses soirées rap aient mobilisé davantage de fans encore qu'à New-York, soit, encore. Mais pourquoi ? Pourquoi ici davantage que dans d'autres villes américaines ? Son succès est-il uniquement lié au hasard, celui qui a amené James Prince à New-York, puis des New-Yorkais au Texas ? Aussi, pourquoi cette prédominance si forte des thèmes gangsta rap à Houston ? L'auteur constate tout cela, mais il ne l'explique jamais.
Ce livre apporte moins de réponses que le Third Coast de Roni Sarig, qu'il cite pourtant abondamment. Il est moins fouillé. Peu y est dit sur l'arrière-plan social du rap de Houston, et sur la division de la ville entre le Nord et le Sud, qui expliquent pourtant en grande partie l'orientation gangsta du rap local. S'il parle de la scène musicale qui a précédé le hip-hop à Houston, il ne fait aucun lien entre celle-ci et le rap. Il ne parle pas non plus de la culture de l'automobile, si importante au Texas, qui marquera énormément les thèmes (Ridin' Dirty, hein) et les sons généralement très lents et lourds en basses qui caractériseront le rap de la ville.
Son histoire est celle, banale, de la naissance de n'importe quelle scène. Changeons les noms et les dates, et elle serait la même dans une autre ville. Au bout du compte, Faniel en dit peu sur la spécificité de Houston, mais il faut avouer que le sujet ne s'y prêtait pas. Avant 1991, en effet, le son rap de cette ville différait encore peu de ce qui était pratiqué ailleurs. Il n'y a qu'à écouter We Can't be Stopped pour s'en souvenir. Seuls la posture gangsta extrême et le thème du désordre mental distinguaient les Geto Boys de leurs pairs. Ce n'est en fait qu'au milieu des années 90, avec l'influence du syrup et le style pratiqué par DJ Screw, que le rap de Houston commencerait à se doter d'un son propre, d'une identité musicale marquée. On comprend cette volonté qu'a Faniel de vouloir rendre hommage à l'avant, mais en histoire, notamment quand il est question de musique, c'est aussi le pendant et l'après qui sont dignes d'intérêt.
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