Le Live at the Future Primitive Sound Session est l'un des albums qui, à la fin des années 90, a contribué à révéler au grand jour le mouvement turntablist. Enregistré live en 1997, à San Francisco, par deux DJs phare de la scène californienne, il avait été disponible l'année suivante sous la forme d'un vrai disque, à une époque où les cassettes étaient le format privilégié pour ce genre de sorties, et il avait profité de la relative notoriété de l'un de ses instigateurs.
Lucas MacFadden, alias Cut Chemist, s'était illustré avec plusieurs groupes déjà. Au sein d'Unity Committee, puis des Jurassic 5, le groupe le plus en vue du riche underground californien en cette fin de décennie 90, et en tant que membre d'Ozomatli, un combo de sept musiciens adeptes d'escapades multi-genres et d'inspiration très latine. Aussi, il était un collaborateur régulier de DJ Shadow, dont le renom avait alors largement dépassé la West Coast. Quant à Jonathan Cruz, alias Shortkut, s'il était moins exposé que son collègue, il n'en était pas moins l'un des éléments centraux du turntablism, ayant appartenu au fil du temps à chacun des trois grands groupes de la scène DJ californienne, Beat Junkies, Invisibl Skratch Piklz et Triple Threat.
Livré en commun par ces deux virtuoses des platines, ce disque jalon qu'était le Live At the Future Primitive Sound Session brillait par ses titres d'anthologie. L'un d'eux était un remix astucieux de la "Number Song" de DJ Shadow, agrémenté, en plus de scratches endiablés, d'un beatboxing postillonnant et d'extraits du "Make Em' Clap To This" d'Eric B et Rakim. Un autre était le ludique "Lesson 6: The Lecture", également présent sur le premier EP de Jurassic 5. Il s'agissait alors d'une suite au "Lesson 4: The Radio" déjà proposé par Cut Chemist quand il faisait partie d'Unity Committee, lui-même un clin d'œil aux "Lessons 1-3" de Double Dee et Steinski, précurseurs du turntablism dans les années 80. "Ready on the Right", quant à lui, maltraitait de manière jouissive l'excellent "Feelin' It" des Ultramagnetic MCs, et "You Don't Stop" apportait une ambiance atmosphérique à quelques mots chipés chez les Beastie Boys.
Ces titres sortaient du lot, mais c'était l'ensemble de l'album qui valait le détour. Avec lui, les deux DJs nous offraient ce qu'il fallait de scratches effrénés, sans pour autant en abuser, sans que ça vire à la démonstration. L'arrimage à la tradition hip-hop était ferme et constant, via une saveur délicieusement old school et le recyclage de classiques à la "Planet Rock". Cependant, Shortkut et Cut Chemist excellaient aussi à tirer profit de standards ou d'obscurités issus d'autres genres, en majorité ceux du vaste patrimoine des musiques black. L'atout du disque, c'était aussi d'avoir la consistance d'un vrai album, sans trahir le caractère fondamentalement festif du turntablism (le mot "party" était cité plusieurs fois), sans perdre quoi que ce soit de la spontanéité d'un style qui a toujours été, et demeure avant tout, un exercice à vocation live.
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