Comme le veut la règle chez tous ces rappeurs récents devenus des sensations sur le Web, la percée de Shy Glizzy a été rapide. Il y a quelques temps, ce dernier trainait encore dans les rues de Washington, et il n'a débuté sa carrière qu'il y a deux ans. Son amateurisme et ses skills approximatives, le garçon les assume, signalant sur la mixtape Law 2 qu'entre le rap et la trap, son cœur balance encore ("1 Foot In 1 Foot Out"), et qu'il est un voyou plutôt qu'un rappeur ("The N Word"). Shy Glizzy, néanmoins, a bien négocié son entrée dans le rap game, livrant en 2012 deux mixtapes, Law et F*ck Rap, où apparaissait la star locale, Wale. Et puis il s'est mesuré à l'autre figure de la capitale, Fat Trel, entrant en conflit avec lui, ainsi qu'avec Chief Keef, et dédiant à chacun d'eux un diss track, "Disrespect The Tech" et "3 Milli". Enfin, dernier acte, ce Shy Glizzy pas si timide déclare fièrement "I am DC", sur sa mixtape la plus récente.
Celle-ci, Law 2, se montre tout à fait dans l'air du temps. Shy Glizzy, en effet, a une voix bizarre comme Young Thug, un timbre tout aigrelet qu'on croirait sorti d'un dessin-animé. Il chantonne comme Future, ou comme Young Scooter. Et il a invité tous les hommes en vue du moment, Kevin Gates, Starlito, Doe B, Migos, et le producteur Metro Boomin. Dans une tradition trap music qui semble avoir fait souche à Washington, il se complait dans des comptines du ghetto décérébrées ("Street Money"), dans un sexisme ("Gudda") ou une homophobie ("Bodies") absurdes, et dans les récits de rue habituels ("Guns & Roses"), avec leurs dangers et leurs trahisons, avec aussi toutes leurs histoires de sexe, d'argent et de drogue. On y trouve aussi ce côté vulnérable, presque sentimental, de mise de nos jours, comme quand, derrière l'hommage rituel aux copains incarcérés ("Free The Gang"), pointe l'angoisse de subir le même sort, soulignée par des raps haut-perchés et étranglés. Ou quand l'histoire d'une strip-teaseuse se mêle d'empathie pour une pauvre fille à qui aucun autre choix n'a été offert ("Some Ones").
Ce que nous propose Shy Glizzy, c'est un nouvel exemplaire de cette trap 2.0, étrange et déglinguée, nourrie de mélodies synthétiques presque informes, mais souvent irrésistibles, avec ici ou là un petit reste de cloud rap. Une musique où les bandits auraient avalé plus de drogues qu'ils n'en auraient vendues, et qui tire toute sa force de son côté excessif et irréel. Un rap qui, pour le meilleur plutôt que pour le pire, a abandonné la virtuosité au profit d'autre chose, la construction d'un personnage, ou l'immédiateté du message. Un rap qui déclarerait, comme Shy Glizzy sur "I am DC" : "je ne suis pas ton rappeur préféré, je veux juste t'inspirer".
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