Quinze années après ses premiers signes d'existence rapologique, et six après son dernier album, The Tortoise Hustle, Sankofa est toujours là. Le rappeur de Fort Wayne, qui s'était fait connaître via le collectif Society of NIMH, le projet White Collar Criminals et sa proximité avec les Cunninlynguists, a connu le même sort que la plupart des vétérans des pans les plus obscurs du rap indé : le quotidien a fini par le rattraper. Son vrai travail et sa vie de famille ne lui ont plus laissé beaucoup de temps. Et pourtant, il semble l'avoir bien peaufiné, ce Just Might Be. Sorti en 300 exemplaires CD, inclus un livret riche et conséquent, ce nouvel album sent en effet le souci du travail bien fait. Cela, pourtant, ne devrait pas suffire à relancer la carrière du rappeur, tant cette dernière livraison paraît anachronique.
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Le rap d'aujourd'hui aime les synthés pétaradants ? Celui de Sankofa reste fidèle au vieux boom bap avec ses boucles simples mais soignées, où violons et pianos ont la part belle, où l'influence soul transparait, avec les chants de Darren Monroe sur "Jumbo Jet of Flavor", ou le sample de "Heavenly Father". L'actuelle génération se soucie des prouesses lyricales comme d'une guigne ? L'Australien d'origine, lui, aime la science des mots. De sa voix grave et profonde, il joue des rythmes et des rimes, il contrôle sa respiration au millimètre. Il est question jusqu'à l'absurde de drogue, de sexe, de flingues, de fric, comme Sankofa lui-même le souligne sur le tout premier titre ? Ce dernier préfère rapper sur le quotidien du citoyen lambda.
Sankofa aime les plaisirs simples, par exemple celui de pédaler en ville sur "21 Choices" (les 21 choix en question étant, semble-t-il, le nombre de vitesses sur son biclou), ou celui de collectionner les sneakers ("Chasing Ghosts"). S'il se vante de quelque chose, c'est de sa pilosité dense ("Belligerent Beard"), plutôt que des biffetons imaginaires qu'il prétend amasser. Et quand il se penche sur l'art de l'insulte ("!@#! (Cursed)"), c'est de manière intellectuelle et réflexive, en proclamant dès le début vouloir défier les stéréotypes. Enfin, il clôture le tout par un titre, "Hey Arthur", dédié à ce fils qui occupe désormais le centre de sa vie.
Il l'occupe tellement, le centre de sa vie, que cet album au titre défaitiste devrait être le dernier. Sankofa, en effet, a décidé de raccrocher, il ne compte plus persévérer dans sa carrière de rappeur. Les amateurs de rap de backpacker intelligent et futé, ceux qui se sentent perdus dans notre époque, s'en lamenteront peut-être. Mais on a connu pire tomber de rideau que ces excellents titres que sont "Chasing Ghosts", "Too Many Days" et "Hey Arthur". Il y a eu pire chant du cygne que ce Just Might Be bien plus qu'honnête, dans tous les sens du terme.
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