Le plus souvent, il est agréable de voir un artiste dont on avait parlé assez tôt rencontrer le succès. D'autres fois, au contraire, ça peut devenir gênant. C'est le cas avec Macklemore, dont le dernier album, The Heist, a cartonné de manière inattendue en 2012. C'est même d'autant plus embarrassant que les caractéristiques qui posent aujourd'hui problème avec le rappeur sont finalement les mêmes que celles qui nous avaient conduits à dire du bien de son VS EP.
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Cette sortie gratuite de 2009 reposait sur deux piliers : les sons rock concoctées par Ryan Lewis, et le rap à fleur de peau d'un Macklemore à peine guéri d'une sérieuse toxicomanie. Or, ce sont précisément les mêmes qui soutiennent "The Heist", un album conçu au terme d'un travail acharné, comme le confesse le rappeur de Seattle sur "Ten Thousand Hours", et qui, de manière remarquable pour un indé, s'est offert le luxe de s'écouler en dizaines de milliers d'exemplaires, rencontrant un succès que le renfort du collectif de Black Hippy (ScHoolboy Q est convié sur "White Walls" et Ab-Soul sur "Jimmy Iovine"), ne suffit pas à expliquer.
Comme avec le EP, la musique proposée par Ryan Lewis est riche. Elle est peaufinée, et elle lorgne vers d'autres genres, comme avec le détonnant mélange de banjo country et de chants de hooligans de "Cowboy Boots". Elle est mélodique et généreuse en violons, en guitares ou en pianos, comme sur l'instrumental "BomBom". Elle est remplie de chœurs et de chants, par exemple ceux de Brend Bridwell, de Band of Horses, sur "Starting Over", ou ceux d'enfants sur "Wings".
Comme sur Vs. EP, encore, le ton de Macklemore est personnel. Quelques titres savent faire preuve de fantaisie et de légèreté ("Thrift Shop", "White Walls"), mais dans l'ensemble, c'est du lourd qui prévaut, le rappeur parlant de ses chagrins d'amour ("Thin Line"), de religion, de ses addictions ("Neon Cathedral", "Starting Over"), ou jouant la carte de l'engagement progressiste ("A Wake"), en prenant le parti du mariage gay ("Same Love") et en se défiant de l'argent ("Make the Money"), du consumérisme ("Wings") et de l'industrie du disque ("Jimmy Iovine").
Mais cette fois, c'est trop. Au mieux, ça tient en équilibre dangereux entre l'excellent et l'insupportable ("Make the Money", "Wings"). Au pire, c'est juste intolérable. Avec sa posture de grand frère qui a vécu, avec son hip-hop adolescent d'écorché vif et son pathos exacerbé, Macklemore tombe trop souvent du mauvais côté du style emo. The Heist, en fait, pourrait être au rap indé intimiste ce que des groupes comme Muse et Coldplay ont été pour l'indie rock : à la fois son aboutissement et sa négation ; sa fin, tout autant que sa consécration.
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