Mac Lethal a connu autrefois, à son échelle, un succès d'estime appréciable. Vainqueur ou second de plusieurs Scribble Jam, il a été parrainé par Hip Hop Infinity, le webzine de Jay Seagraves, et il a sorti en 2002 son premier album sur le label créé par ce qui était alors le média référence de la scène rap indé. Oui mais voilà, dix ans plus tard, Scribble Jam, Jay Seagraves et Hip Hop Infinity sont des noms qui ne disent plus grand-chose à grand monde. Et, après un bref passage chez Rhymesayers pour l'album 11:11, ce rappeur blanc de Kansas City ne semble plus vraiment d'actualité.
Et pourtant, contre toute attente, s'appuyant sur les ressources de Tumblr et de Youtube, il ressurgit vers 2011 via une vidéo qui le montre cuisinant des pancakes tout en rappant à toute allure. Cet épisode cocasse engendre l'un de ces buzz mondiaux invraisemblables dont Internet a le secret. Avec étonnement, on le voit même apparaître à la télévision française. Et on s'aperçoit que David McCleary Sheldon, de son vrai nom, n'a en vérité jamais abandonné sa carrière de rappeur. Comme tant d'autres de ses collègues qui ont manqué leur rendez-vous avec la célébrité, eux aussi, il a continué à sortir des mixtapes à tire-larigot, voire des disques en bonne et due forme sur sa propre structure, Black Clover.
Sorti le 31 décembre 2011, Irish Goodbye est apparu immédiatement après la fameuse vidéo aux pancakes. Et manifestement, Mac Lethal cherche avec ce disque à capitaliser sur sa nouvelle notoriété. Le titre sonne comme une démission, cet "au revoir irlandais" étant le moment où un habitué quitte en catimini le pub et ses compagnons enivrés, comme l'auteur nous l'explique sur "No Miracle". Mais en fait, à bien écouter le contenu, il se passe exactement le contraire.
C'est vrai, il y a de l'amertume sur ce disque, notamment sur le titre introductif, cet enragé "The Parlour" où le rappeur, bileux, vide son sac et revient sur les ratés sa carrière, blâmant au passage des médias à la Pitchfork qui préfèrent s'exciter sur la trap music d'un Gucci Mane, plutôt que sur le rap plus intègre et authentique qu'est, à son sens, le sien.
Le dégoût et la rancœur du perdant ne sont jamais loin sur cet album. Mais en même temps, grâce aux beats de Michael "Seven" Summers, collaborateur régulier du rappeur XV et du grand voisin de Kansas City, Tech N9ne, Irish Goodbye a des accroches et des mélodies qui indiquent que notre homme, finalement, ne va pas rendre si aisément son tablier.
L'album est rempli de titres au cœur léger, avec de jolis refrains à siffler sous la douche, comme sur "Morimoto (Just Duet)", "Aviator", "Wooooo!!!" et "Every Night". Mac Lethal nous y dit que la vie est la meilleure des choses ou, tout simplement, qu'il est content d'être content. Les beats sont taillés dans le même bois. Ils sont avenants, riches et chaleureux, des cordes de "Vodka Tonic With a Lime" aux voix féminines évaporées de "Black Rainbow" et de "Now Miracle".
Loin de se cantonner au cynisme et à l'aigreur, Mac Lethal sait se présenter aussi en rappeur sage et sensible, faisant un point sur sa vie ("Quarter Life", "No Miracle"), décrivant les errances d'une Marie-couche-toi-là ("Slut") ou revenant sur ses racines irlandaises, via l'histoire de ses grands-parents immigrés, avec la musique folklorique idoine ("Jake + Olive").
Irish Goodbye, donc, est l'album grand public de Mac Lethal. Mais ce n'est pas pour autant le dernier Macklemore. Ici, peu de démagogie pour adolescents. La preuve, le succès international n'est toujours pas là pour cet homme, qui n'a de toute façon ni le physique ni le potentiel d'une rock star. Le disque montre toutefois, aussi tardivement qu'en 2011, que ce pur produit du vieil indie rap de Blancs est toujours vivant. Voire, parfois, tout à fait pertinent et convaincant.
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