Jesse Dangerously a toujours valu mieux que l'étiquette nerdcore qui lui colle à la peau. Plusieurs sorties, où le Canadien a su se montrer drôle, astucieux et bon rappeur, l'ont démontré. Et en 2011, notre gros Blanc barbu et à lunettes a même placé la barre plus haut que jamais avec Humble & Brilliant, un vrai bon album, bien fichu, conçu après trois ans d'effort et accompagné d'un livret de 70 pages auquel ont contribué Buck 65 ainsi que quelques figures de la BD et des animés : Mike Holmes pour la pochette, Bryan Lee O'Malley et Hope Larson pour les autres illustrations.
La posture nerdy est toujours là, à travers le look décalé du rappeur bien sûr, et un titre, l'introductif "file_id.diz", qui sent bon le jargon informatique. Mais l'homme d'Halifax, aujourd'hui basé à Ottawa, ne se limite pas à cela. Plus généralement, à travers cet entrain et cet humour inspirés du hip-hop des années 80, ces skits imprévus (le countrisant "Make Hymn Cry"), ces samples improbables (des claquettes sur "Bring Your Girlfriend to Rap Day" !), ce flow versatile, ces productions dynamiques et organiques parsemées de vrais instruments, cet égo-trip léger (comme sur "Halifax Rap Legend", un intitulé que Jesse D. tourne en dérision, en même temps qu'il en prouve le bien-fondé), c'est tout l'esprit du collectif Backburner qui se montre ici.
Et pourtant, mis à part les concepteurs du livret, une chanteuse (Jeannie Taylor de Curse in the Woods) et le bref renfort d'Audra Williams et de Timbuktu aux raps, Humble & Brilliant est l'affaire du seul Jesse D. Il le précise avec le titre du morceau où intervient le rappeur de Toolshed ("Tim I Said No Guests!") : il n'a besoin de personne, tout est de lui. Il ne signe pas seulement la quasi totalité des raps, il produit aussi tous les sons, se charge des scratches et joue de tous les instruments : ukulélé, glockenspiel, orgue ou batterie.
Humble & Brilliant, par ailleurs, est un album-concept, construit en deux phases ("Balling Out of Control" et "Balling Out Uncontrollably "), l'une enjouée et sautillante, avec le punchy "Tim I Said No Guests!" et cet "Holocaust Cloak" à la fois old school et rock'n'roll, l'autre plus introspective, qui se clôt par un "Triptych" où se mêlent réflexions sur la pornographie et confessions, et dont le dernier volet est toute bonnement superbe, offrant à l'album son apothéose.
Humble et brillant ? Oui, en effet. Aussi improbable que cela puisse paraître, avec ce dernier album, Jesse Dangerously a prouvé que l'on pouvait bel et bien être les deux.
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