La capitale des Etats-Unis n'a jamais été celle du rap. Pendant longtemps, les rappeurs s'y sont montrés plutôt rares, Washington restant plus attachée à sa musique locale, la go-go, qu'à ce hip-hop venu d'ailleurs. Mais la situation a évolué ces dernières années, quand le Britannique Mark Ronson a facilité l'émergence de Wale, devenu la star locale, puis quand ce dernier a parrainé à son tour Fat Trel, l'invitant à participer au titre "The Posse Cut (Who Don't)" sur sa mixtape de 2010, More About Nothing, l'accompagnant sur ses propres sorties, comme la remarquée No Secrets, et l'invitant à rejoindre son écurie, la Board of Administration, ou BOA.
L'alliance entre les deux rappeurs les plus éminents de Washington D.C. n'a cependant pas duré. En 2011, le gros Martrel Reeves (c'est son vrai nom) a appris à la radio qu'il ne faisait plus partie de BOA, quelques jours à peine avant de sortir, le 1er avril, la mixtape April Foolz. Et à écouter cette dernière, où ni Wale, ni Black Cobain ne sont plus présents (sinon à travers une brève dédicace), où le ton comme la musique se montrent plus énergiques, plus fiers et plus barbares que jamais, et où les bangers ("Respect Wit the Tech", "All Krazy", "Y'all Niggas Ain't Real") sont plus fréquents, cette séparation n'a pas été, in fine, une si mauvaise chose.
Sur cette sortie pétaradante, Fat Trel se présente comme une version washingtonienne de Waka Flocka Flame. Il en avait déjà la dégaine, avec ses dreadlocks et ses tatouages. Mais désormais, il en a aussi le beatmaker. Lex Luger, en effet, produit deux titres, dont un "Respect Wit the Tech" d'anthologie, l'une de ces tornades dévastatrices dont il a le secret.
Ailleurs, à un "Angel" R&Bisant près, le duo local The Bassheadz ne sonne pas autrement avec ses synthés rutilants, ses bruits de mitraillettes et ses bris de vitres. Et même quand Fat Trel s'exprime sur des beats contraires à tous ceux là, sur de l'Araab Muzik ("Honey I'm Home"), l'adult rap mou-du-genou de J. Cole ("Live My Life") ou le saxophone sirupeux de "My Silencer", il se les approprie sans grande difficulté.
Fat Trel, autrefois, a décidé de se mettre au rap après s'être fait tirer dessus, afin de tourner le dos à la rue. C'est pourtant bien cette expérience passée qui alimente April Foolz, via le tryptique habituel, drogue, argent et filles faciles (strip-teaseuses et prostituées, de préférence). L'abordant de la manière enflammée et menaçante qui convient, il prouve ici qu'il n'a rien à redouter du divorce avec Wale. Des labels ont d'ailleurs continué à le courtiser, et il a trouvé bien vite des copains plus en phase avec lui, Alley Boy et le vétéran Master P, avec lesquels il a fondé le Louie V Mob. Si bien qu'aujourd'hui, le vrai rappeur important de Washington DC, c'est lui, c'est Trel. Et ce n'est pas un poisson d'avril.