Des doutes subsistaient encore à l’écoute de l'opus précédent de Dälek, From Filthy Tongue Of Gods & Griots. Inégal, construit sur les facilités du bruit, du mur du son et des crescendo, il ne tirait pas encore tous les bénéfices du rap industriel très personnel inventé par le duo de Newark, malgré les véritables merveilles qu'étaient "Spiritual Healing" et "Classical Homicide". Deux ans après, cependant, Absence est l'album qui confirme que Dälek est un grand groupe.
C'est toujours la même musique, ce déluge sonore métronomique et pesant, ces percussions impitoyables et ces basses énormes. C'est toujours ce rap à l’avenant, implacable, lent, intraitable, mais qui sait parfois se taire au profit des ambiances sonores et des hurlements qu’Oktopus tire de sa machine ("A Beast Caged"). La formule est reconnaissable dès les premières notes, dès les premières paroles. Pourtant cet album de Dälek, le troisième si l’on excepte la collaboration avec les Allemands de Faust, est l’antithèse du précédent. Lourd et monolithique, sans hymne aux saveurs rock à la "Forever Close My Eyes", il n'en garde pas moins la même intensité sur toute sa longueur, de bout en bout.
Plus encore que ses prédécesseurs, Absence est brut de fonderie. Les sons sont moins divers. Il n’y a ni les variations de l’album d’avant, ni la complexité formelle de Derbe Respect, Alder. La rythmique est toujours la même, la musique est austère et monochrome, jamais elle ne s’écarte de ce rock industriel avec rap et sans guitare influencé par My Bloody Valentine (la ressemblance avec le groupe phare du shoegaze est criante sur "Ever Somber"). Cela fait toute l'identité de ce groupe signé, et c'est tout sauf un hasard, sur Ipecac Recordings, le label de Mike Patton (Faith No More, Mr. Bungle).
Quant aux paroles, mélange banal de défiance envers les politiques et de constats amers sur l'état du hip-hop, elles n'ont rien sensationnel dans le registre du rap "conscient", si l’on excepte la charge contre la religion de "Opiate The Masses". Pourtant, plus uniformément sombre que n’importe quel autre disque de Dälek, Absence fascine. Ecouté sur une chaîne puissante plutôt qu’au casque, il reproduit l’expérience traumatisante que le groupe propose en concert, cette longue mise sous tension qui ne retombe jamais. Tout cela relève presque de la recette, de la facilité. Mais cela fonctionne sur ce disque, le meilleur du duo avant son successeur, un Abandoned Language tout aussi remarquable.
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