Thesis Sahib, Jesse Dangerously, Wordburglar, Johnny Hardcore, Ghettosocks, More Or Les, ou encore Timbuktu, Chokeules et Psybo de Toolshed. Voici des gens qui, sans être des stars du hip-hop, ont été souvent célébrés sur nos pages pour leurs disques remarquables des dix ou quinze dernières années. Il leur a fallu du temps, cependant, pour sortir un album en commun. Ce n'est qu'en 2009 que ces Canadiens, avec l'aide d'Uncle Fes, Fresh Kils, Jay Bizzy, Beatmason, Frank Deluxe, Dexter Doolittle, Ambition, Manalive, Ginzu333 et Mister E, avec lesquels ils forment le collectif Backburner, se sont décidés à enregistrer ensemble cet Heatwave, sorti au bout de compte deux années plus tard.
Vous comptez bien, ce méga-groupe a dix-neuf membres, pas moins. Avec un tel nombre, avec tant de nuances et de différences, du nerdcore de Jesse Dangerously à l'égo-trip canaille de Wordburglar, en passant par les raps bondissants de Toolshed et les chantonnements sous influence Project Blowed de Thesis Sahib, on aurait pu aboutir à une compilation brouillonne. Tous ces gens, cependant, partagent la même philosophie, très visible à présent qu'ils se produisent ensemble, et qui traverse le disque dans toute sa longueur.
Tous ces Canadiens cherchent, en marge des formes dominantes, à promouvoir un hip-hop hors du temps, à réunir en un seul package le meilleur de trois décennies de rap.
Des années 80, ils ont conservé l'entrain et le bon esprit ludique. Les refrains entonnés en chœur et de façon enjouée ("Lifers", "Style Dumpsters", "Harms Way"), voire un titre tout entier comme "Freak Show Physics" (visez donc le flow old school de Thesis Sahib), témoignent de cet héritage.
Aux nineties, ils ont emprunté la passion pour la rime, pour le flow et pour les phrasés complexes, tout comme le goût du sample et des scratches endiablés, et ils leur rendent hommage en citant à foison les vers d'à peu près tout ce que le classic rap new-yorkais a compté de rappeurs importants.
De la décennie 2000, enfin, ils ont une volonté de casser les cadres, de s'affranchir des routines et de métisser leur musique, comme avec ces percussions au feeling "live" que l'on retrouve parfois, notamment sur les sons de Timbuktu.
Et cette synthèse fonctionne. Heatwave regorge de titres allègres à la bonne humeur contagieuse, portés par des rappeurs en verve, par exemple Wordburglar, en grande forme.
Dans un monde idéal, un "Lifers" porté haut par ses cuivres, sa batterie et ses scratches, ainsi que cet "Heatwave" tout en orgue dégoulinant, seraient des tubes internationaux. Sans être aussi accrocheur, "Phantom Ghost" n'est pas mal non plus, avec son beat façon vieux jeu vidéo, tout comme cet épique posse cut qu'est "Showtime in 09", et ce "Burn It Down" qui parodie le rap indé dystopique à la Co-Flow.
Ces titres, pourtant, n'atteindront sans doute que les happy few, par malheur. A moins que ce ne soit plutôt par chance.
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