On peut dire ce que l'on veut du producteur Apollo Brown. D'être conservateur, à l'instar de cette scène de Detroit dont il est issu, représentée par Black Milk, Elzhi et feu J Dilla. D'être un producteur passéiste, au regard désespérément rivé vers le rétroviseur. De ne s'employer qu'à produire du boom bap chargé à foison de samples soul, comme si nous étions encore et toujours au beau milieu des années 90, plutôt que d'innover ou de chercher à être en phase avec son époque. Tout cela est vrai. Cependant, ce qu'Apollo Brown fait, il le fait souvent bien.

APOLLO BROWN & GUILTY SIMPSON - Dice Game

Ca n'est même qu'avec lui que s'épanouissent encore, de nos jours, les vétérans d'un classic rap passé de mode. Il l'a prouvé à deux reprises en 2012, en produisant d'abord le dernier album d'O.C., un réussi Trophies, et puis en en faisant de même avec Guilty Simpson, le rappeur de Detroit, un autre proche de Dilla, ainsi que de Madlib, réapparu récemment avec Sean Price et Black Milk au sein du trio Random Axe. Cet autre disque, Dice Game, derrière sa pochette d'une sobriété à toute épreuve, se révèle même nettement supérieur au précédent.

Rien ici, pourtant, ne surprend. Guilty Simpson rabâche les thèmes du rap de rue à l'ancienne : l'environnement urbain qui l'a façonné ("Reputation"), ses envies de sexe ("Let's Play"), ses deals de drogue ("Potatoes", avec Torae). Comme tant et tant d'autres avant lui, il compare relation amoureuse et addiction à la marijuana ("Dear Jane"). Moitié sage, moitié voyou, il prend la posture classique, celle du gangster repenti sur le magnifique "I Can Do No Wrong". Bandit assagi, il blâme ses mauvais choix de jeunesse sur "Truth Be Told", il philosophe sur les impasses de la vie sur "Change" et il s'interroge sur sa mort à venir sur "How Will I Go".

Quant à Apollo Brown, il use des rythmes secs et lents de circonstance, et il emploie les samples soul qui vont avec, riches en cuivres triomphants ("One Man", "I Can Do No Wrong", "Potatoes", "The Cook Up"), en cordes larmoyantes ("Change", "Ink Blotches"), en chœurs éclatants ("Lose You", "Nasty"). Il est si ancré dans le passé qu'on retrouve sur Dice Game les mêmes sons que sur de vieux classiques, d'anciens titres de Jay-Z, de Masta Ace et du Wu-Tang.

Comme sur Trophies, donc, ça confine constamment au cliché, c'est du pilotage automatique. Et pourtant, la splendeur de titres comme "I Can Do No Wrong", "Ink Blotches", "Truth Be Told", et d'autres comme "Nasty" (le meilleur titre avec Planet Asia depuis le "In Your Area" de Peanut Butter Wolf), rendent l'ensemble aussi pertinent, frais et puissant que quinze années plus tôt.

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