Tech N9ne, indiscutablement, a toute sa place parmi les fortes personnalités du rap. Tout chez lui est singulier. Son origine, tout d'abord, Kansas City, à l'écart des scènes rap les plus en vue d'Amérique. Son look de cyber rappeur du futur. Sa voix lourde et acerbe. Son flow, également, aussi rapide que le semi-automatique TEC-9 auquel il doit son pseudonyme. Et puis son goût pour les beats riches, foisonnants et exubérants, et sa propension à s'inspirer de tous les genres imaginables, rock, électronique, ou toute bizarrerie qui lui passe sous la main.
Son sixième album, Everready: The Religion, ne déroge pas à la règle. Produit en majeure partie par Seven, c'est à nouveau un repas copieux que nous sert Tech N9ne, une grosse bouffe remplie de titres jusqu'à ras-bord, comptant de nombreux invités, E-40 et Brotha Lynch Hung pour les plus connus, et complété, comme si cela ne suffisait pas, par un CD bonus où il convie ses protégés de Strange Music. Et ça tire dans tous les sens. Ca dégaine sans détour de grosses guitares metal, des gerbes de synthé, des scratches sales, des chants brutaux, des percussions industrielles et des sirènes ("Bout ta' Bubble"), du clavecin ("Come Gangsta"), de jolis chants féminins ("My World"). Quelques interludes s'y insèrent, aussi. Et bien sûr, il y a ces débits ultra-rapides par lesquels le rappeur souligne son identité régionale ("Welcome to the Midwest").
Cependant, plus que jamais, il y a de quoi se sustenter avec ce festin. D'entrée, Tech N9ne marque des points avec ce furieux "Riot Maker" où il revient sur son statut de menace publique, convoquant d'emblée des guitares qui tachent et des chœurs de thugs, un titre qui servira plus tard à ouvrir des matchs de catch, pour donner une idée. Plus tard, le rappeur se lance dans des aboiements similaires avec "My Wife, My Bitch, My Girl", l'impressionnant "Come Gangsta" et "The Beast", des titres à faire passer le "Carmina Burana" de Carl Orff pour une comptine pour enfants. Remonté, Tech N9ne rend aussi des comptes à cette industrie qui l'a longtemps boudé sur "No Can Do" et "This is Me". Ce registre offensif, toutefois, n'est pas le seul. Sur "Night and Day" et le très bon "Caribou Lou", au contraire, le rappeur peut se faire hédoniste, ou prendre des cours de musique funky avec Rick Rock et E-40 sur "Jellysickle".
Ecouté bout à bout, Everready est à la limite de l'indigeste. Ainsi sont faits les disques de Tech N9ne. Ce sont des banquets, des orgies, où l'on est convié à prendre ou à laisser ce qu'on veut, et où l'on peut revenir autant qu'on le souhaite, sans jamais en sortir autrement que repu.
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