Repéré par EPMD puis affilié à leur collectif le Hit Squad, Reginald Noble occupera, avec quelques autres, une place singulière dans le hip-hop hardcore East Coast des années 90. Avec son sens de l'absurde, en prolongeant le funk délirant de George Clinton tout autant que le rap potache de Biz Markie, il sera l'un des fous furieux de la scène new-yorkaise, l'un de ses grands allumés, un trublion à classer à peu près dans la même catégorie qu'un Busta Rhymes ou un Ol' Dirty Bastard.
Def Jam :: 1992 :: acheter cet album
La carrière de Redman a été longue et riche. Il est toutefois communément admis que son premier album, est ce qu'il a fait de mieux. A contre-courant des propos sans cesse plus graves et sentencieux de ses contemporains, il y privilégiait la fantaisie, comme par exemple quand il se lançait dans un duo avec lui-même ("Redman Meets Reggie Noble") ou qu'il rappait en coréen (le remix de "Blow Your Mind"). Il s'y montrait aussi animé par deux obsessions cardinales : le sexe d'abord ("A Day With Sooperman Lover"), ou ses désagréments annexes comme le virus HIV ("So Ruff") ; et puis ces joints dont il nous donnait le mode d'emploi sur un mémorable "How to Roll a Blunt". Le rappeur, cependant, ajoutait à ses délires un ton belliqueux d'époque, dès un "Time 4 Sum Aksion" d'emblée excellent, ou quand il menaçait les rappeurs médiocres de leur couper la gorge ("Da Funk").
Pour accompagner ses délires, notre homme s'était assuré l'aide de son parrain, Erick Sermon, qui lui offrait des beats que certains en 1992, déjà, trouvaient anachroniques avec leur funk sautillant et trépidant. Des beats très EPMD, quoi. Tellement EPMD qu'on retrouvait ici une autre version de cet "Hardcore" qui, sur leur Business as Usual, avait révélé Redman. Que les sons aient été datés ou non n'avait toutefois pas d'importance. Parfois indistincts, ils servaient avant tout de fond sonore aux élucubrations d'un rappeur qui, sans invité pour le seconder au micro (hormis, brièvement, E-Dub et Erick Sermon), privilégiait un rap volubile et jaillissant, presque conversationnel, qui aurait aisément su se passer de musique.
De toute façon, ce n'était pas vraiment des chansons que les deux hommes cherchaient à nous proposer. C'était plutôt une sorte de long jam capable de partir en live (mais que se passait-il donc au milieu de "I'm a Bad" ?), c'était un prétexte aux divagations d'un Redman qui rappait continument en mode freestyle, s'affirmant pour longtemps comme l'un des grands allumés de l'histoire du rap.
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