C'est Jam Master Jay qui avait découvert Onyx et présidé à la production de leur mémorable premier album. Et cela n'était pas par hasard, tant le groupe de Sticky Fingaz partageait avec Run-D.M.C. des caractéristiques sur lesquelles le trio avait autrefois bâti son succès : un look imparable (des crânes rasés, dans le cas des derniers), une sensibilité rock à même de séduire les amateurs de metal, et une posture hostile et combative, nuancée par des airs de héros de cartoons.
Def Jam :: 1995 :: acheter cet album
Il y avait de l’humour et de la fantaisie, en effet, sur ce Bacdafucup qui avait été l’un des succès de 1993. Mais sur son successeur, ce n’était plus le cas. A l’image de leur emblème, ce smiley pas content en exergue sur un fond noir, Onyx ne rigolait plus sur All We Got Iz Us. Sur cet album, en phase avec l'ambiance sombre de l'époque, plus rien ne se prêtait à une diffusion en boucle sur MTV. Et ces raps menaçants, rauques et braillés qui étaient la marque de fabrique du désormais trio (Big DS venait de quitter le groupe), étaient unilatéralement noirs et pessimistes.
Le disque s’ouvrait même carrément sur des pulsions suicidaires, Sticky Fingaz menaçant dès l'introduction d’appuyer sur la gâchette. Et c’est le même dégoût, la même envie d’en finir, que traduisait l’étonnant "Last Dayz", un titre très différent de tout ce qu’avait fait Onyx avec son instru macabre, toute en basse, en spleen et en beats vaporeux, cousine du trip-hop anglais. Ailleurs sur l’album, c’était un rythme soutenu plus habituel qui était de retour, un titre comme "Shout" aurait même pu figurer sur l’opus précédent avec ses chœurs guerriers et relevés. Mais l’atmosphère et la musique y demeuraient effroyablement poisseux et pesants, atteignant de nouveaux sommets avec "Most Def" et "Walk in New-York".
Surtout, les rappeurs Onyx exploraient avec persévérance les mêmes idées noires, dépeignant avec paranoïa une jungle urbaine soumise à la drogue et au meurtre, exhalant leur haine farouche d’un pays qu’ils préféraient appeler USG (United States Ghetto), vomissant brutalement leur bile sur "2 Wrongs", maniant l’insulte comme personne sur "Punkmotherfuckas", donnant au mot "hardcore" tout son sens sur "Betta Off Dead". Et ils abordaient tout cela avec une grande science des mots soulignée, par exemple, par un "Getto Mentalitee" riche en allitérations.
Par chance, le groupe ne partageait pas vraiment l’humeur nihiliste et suicidaire de son album. On verra d’ailleurs bientôt Sticky Fingaz et Fredro Starr tenter leur aventure au cinéma. Mais avec All We Got Iz Us, ils semblaient saborder leur carrière de rappeurs grand public, tout en étant au faîte de la réussite artistique.
L'album ultime pour bien faire comprendre aux béotiens ce qu'est la rugosité hip-hop... Indépassable!!!!