Nouvelle école ? Non, pas vraiment. Avec leur pochette déjantée, leurs rimes enjouées, leur esprit festif, leurs excentricités et leur tempo soutenu, avec surtout leurs interactions incessantes (chœurs, phrases partagées, etc.), les très jeunes Charlie Brown, Dinco D et Busta Rhymes, épaulés par Cut Monitor Milo, appartenaient plutôt à l’ancienne. A l’orée des sombres et lourdes années 90, leur rap fantaisiste faisait marche arrière, pour nous ramener à l’ère de la old school.
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Ce n’était d’ailleurs pas au sens figuré qu’il fallait prendre le "school" de leur nom, mais au sens propre, leur premier disque, un album concept, nous racontant une journée scolaire type, séparée par trois grands moments : l’entrée en salle d’études, le passage à la cantine et la sortie. En cherchant bien, on trouvait bien quelques traces de sérieux, comme avec ce "Teachers, Don’t Teach Us Nonsense" qui critiquait le système éducatif américain. Mais pour le reste, c’était bien l’esprit potache, jouasse et insouciant typique des teenagers que partageaient avec nous ces trois rappeurs qui nous parlaient de leurs obsessions pour les voitures ("Sobb Story"), pour les filles, de préférence plutôt rondes ("Feminine Fatt"), ou pour les deux à la fois ("Trains, Planes and Automobiles"), quand ils nous faisaient pas part des premières angoisses existentielles de leur âge ("Too Much on My Mind").
D’un bout à l’autre, c’était un joyeux délire : "What's the Pinocchio's Theory" s’ouvrait sur de la musique de cirque, du beatboxing accompagnait "Where Do We Go from Here", "Sound Of The Zeekers @#^**?!" était un posse cut gargantuesque, à l’image de l’excellent "Scenario" que nos Leaders of the New School livreraient par ailleurs avec A Tribe Called Quest, et un Busta Rhymes débutant faisait déjà des étincelles avec son style flirtant avec le ragga, pendant que le fond dub de "Lunchroom" nous dévoilait d’autres influences jamaïcaines.
Quant aux beats, ils étaient à l’avenant, pleins d’entrain et bourrés de surprises, à l’image des épiques "Case of the P.T.A." et "My Ding-A-Ling", de leurs incessants changements de boucles et de sons. C’était d’autant plus débridé que plusieurs producteurs s’étaient penchés sur ce disque, les Stimulated Dummies, The Vibe Chemist Backspin et, expert en propulsion sonore, Eric Sadler du Bomb Squad.
Aussi jouissif et délirant était-il, ce disque fut toutefois le témoignage sans réel lendemain d’un Golden Age en fin de vie. Seul le phénomène Busta Rhymes restera durablement au premier plan dans les années 90, s’accommodant sans peine du nouveau rap de rue à la new-yorkaise en devenant son clown attitré.
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