Aussi surprenant que cela puisse paraître à ceux qui ne l'ont pas connu, il fut un temps où Lil Wayne, la star intersidérale de Cash Money, était un artiste de second plan au sein de ce label. D’autres membres du quartet maison auquel il appartenait, les Hot Boys, occupaient alors les premiers rôles, B.G. notamment, et surtout, Juvenile, dont le 400 Degreez a été une étape clé dans l’émergence du rap du Sud et de la Nouvelle-Orléans, un tel jalon que plus tard, Weezy devra lui-même sortir un 500 Degreez pour prouver qu’il pouvait faire au moins aussi bien.
Cash Money :: 1998 :: acheter cet album
Cet album, toutefois, suscita davantage les faveurs du public que celle de la critique. Comme souvent, celle-ci jugeait le disque sur des critères du passé, elle peinait à comprendre qu’on avait changé de paradigme. Juvenile, en effet, privilégiait le style à la virtuosité du flow, ne faisant rimer ses vers que par l’usage immodéré d’onomatopées. Les beats du producteur attitré de Cash Money, Mannie Fresh, n’étaient plus basés sur des samples, mais sur des sons synthétiques et entièrement originaux. Surtout, cette musique enjouée et légère rompait avec la noirceur et la gravité qui avait dominé une bonne part des années 90. Et on ne parle bien entendu pas de cette pochette artisanale et plutôt repoussante.
400 Degreez ne démentait pas non plus l’idée répandue que le rap du Sud est meilleur sur single que sur album. Ce disque, en effet, était tiré par le haut par deux de ses singles : "Back That Azz Up", et plus encore ce "Ha" mémorable et sautillant, intitulé d’après le mot dont Juvenile ponctuait chacune de ses phrases. "Ha" est tellement emblématique qu’il était décliné ici en trois versions : l’originale et deux remixes, l’un avec les Hot Boys au complet, et un autre avec Jay-Z. En dehors de ces titres, cependant, c’était plus laborieux. Même le troisième single, "Follow Me Now", peinait à maintenir le niveau malgré ses sonorités latines.
En cherchant bien, toutefois, on trouvait à 400 Degreez bien d’autres arguments, comme un enlevé et bruyant "Welcome 2 Tha Nolia", un hommage au quartier déshérité du Magnolia Projects, le cœur rap de La Nouvelle-Orléans, plus tard dévasté par l’ouragan Katrina ; comme encore les beats les plus dansants et énergiques de Mannie Fresh, par exemple ceux de "Rich Niggaz" et de "Juvenile on Fire" ; et le morceau éponyme tout en voix synthétiques, "400 Degreez". Tout cela vaut également le détour. Cela ne suffisait pas à faire de cet album un authentique chef d’œuvre, mais c'était bien assez pour expliquer et légitimer son succès.
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