A la fin des années 90, quand l'heure de la hype fut venue pour le rap alternatif qui avait couvé dans l'underground pendant toute la décennie, Jurassic 5 bénéficia d'une certaine reconnaissance critique après la sortie d'un premier EP sans titre en 1997, transformé en album l'année d'après. Signés chez la major Interscope, participant au festival rock Lollapalooza, ouvrant les concerts de Fiona Apple, très prisés en Angleterre, ils représentèrent fièrement, aux yeux d'un public averti, et en grande partie extérieur au hip-hop, la face californienne de ce mouvement.
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Les Jurassic 5 (qui en fait étaient six) avaient, il est vrai, un beau pédigrée. Alors répartis au sein de deux ensembles, Rebels of Rhythm et Unity Committee, dont la collaboration avait commencé en 1995 avec un single commun intitulé "Unified Rebelution", les rappeurs Marc 7even, Chali 2na, Zaakir, Akil, et les DJs et producteurs Cut Chemist et Nu-Mark avaient fait leurs armes sur la scène du Good Life Café. De ce passage par l'open mic culte de Los Angeles, ils avaient retenu la souplesse et la virtuosité des flows, pratiquées auprès de la Freestyle Fellowship.
Mais contrairement à ces derniers, Jurassic 5 n'avait rien de visionnaire. Au contraire, le groupe était tourné vers le passé. Son nom l'indiquait : se proclamant préhistorique, s'inspirant de tous ces groupes old school à la Treacherous 3, Fearless 4 ou Furious 5, il signalait clairement que l'objectif principal de ces Californiens était de faire revivre le rap d'avant. Refrains entamés en chœur comme sur "In the Flesh", "Jayou" et "Action Satisfaction", nostalgie et bon esprit sur "Concrete Schoolyard", valorisation de l'improvisation ("Improvise"), rôle central réservé au DJ, à ses scratches et à ses samples ("Lesson 6: The Lecture"), et, partout, joie de vivre et rythmiques bondissantes : s'inspirant du hip-hop créatif des Native Tongues, voire remontant plus loin encore dans le temps, tout ici s'émancipait du rap lent, lourd et sinistre qui s'était imposé dans les années 90.
Un peu trop, peut-être. Attractif, joyeux, le Jurassic 5 LP avait en contrepartie un côté lassant et inconséquent. En étant sévère, on pourrait même relever que seuls trois titres se distinguaient vraiment du lot : ce réjouissant "Jayou", très bien servi par une flûte mutine ; l'hymne "Concrete Schoolyard", où se concentrait toute la philosophie du groupe ; et "Lesson 6", pour la démonstration sampladélique. Pas suffisant pour justifier l'engouement critique alors rencontré par Jurassic 5, mais bien assez pour que ce disque témoigne à lui tout seul de la préoccupation revivaliste qui traversait alors une portion importante de l'underground hip-hop.
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