Jay-Z est un carriériste, doublé d'un redoutable homme d'affaire. Mais il est aussi, et surtout, un très bon rappeur. Pour cette raison, son règne sur le rap n'est pas injustifié. Il a égrainé plusieurs albums importants au fil des ans, dont le meilleur pourrait être The Blueprint. Sur ses autres sorties, Shawn Carter suit toujours un peu l'air du temps. L'ombre de Biggie s'étend encore sur ce classique tardif de la renaissance rap new-yorkaise qu'est Reasonable Doubt. Sur les In My Lifetime, Jay-Z vire parfois variété rap. Et le récent Watch The Throne porte surtout la marque de Kanye, un producteur que Jay-Z lui-même a révélé sur The Blueprint.
C'est donc cet album, son sixième (en cinq ans !), qui mérite les égards. C'est le plus Jigga de tous, celui où, au faîte de sa gloire, le rappeur se montre tel quel : étincelant, orgueilleux, triomphant, fièrement installé sur son trône, satisfait du chemin parcouru depuis ses années de délinquance. D'entrée, il fait sien le mot d'ordre de Slick Rick, "The Ruler's Back". Sur le titre suivant, "Takeover", il s'acharne sur Nas et Prodigy, deux rappeurs qu'il a autrefois samplés, et qu'il nargue désormais. Quant à la troisième plage, le très pop "H To The Izzo", elle est un hymne à sa réussite et à sa survie.
Ici, Jay-Z met en scène sa consécration. Et il le fait seul, ne conviant qu'Eminem, l'autre grande star du moment. Un trio de vétérans prestigieux intervient, Q-Tip, Slick Rick et Biz Markie, mais il est cantonné aux chœurs. Excepté un hommage aux proches sur le très bon "The Blueprint (Momma Loves Me)", un titre sur les filles ("Girls, Girls, Girls") et un autre où il joue les gangsters sensibles ("Song Cry"), c'est un Jay-Z rempli de panache qui s'exprime ici.
Et la musique, percutante, éclatante, est dans la même tonalité. Hormis un titre produit par Timbaland, et un autre par Eminem, l'essentiel des sons sont confiés à trois hommes alors méconnus. Kanye West, on l'a dit, ainsi que Bink et Just Blaze, concoctent ensemble ce qui sied le mieux à l'empereur désormais incontesté du rap : des samples luxuriants, gorgés d'une soul généreuse, plutôt que des synthétiseurs.
Ensemble, ils parachèvent ainsi un album à qui tout est offert, la bienveillance de la critique comme le succès commercial. Celui-ci est assuré dès sa sortie, un certain 11 septembre 2001. Comme quoi, même en ce jour tragique, il en est au moins un, à New-York, qui n'aura rien perdu de sa superbe.
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