Le collectif californien culte les Living Legends n'a pas toujours été irréprochable, mais la carrière solo de son rappeur et producteur Eligh, elle, a longtemps suivi une trajectoire exemplaire. L'entamant à la fin des années 90 par des albums remarqués dans l'underground (As They Pass, Gas Dream), le rappeur a délivré ensuite quelques merveilles, comme Poltergeist, et surtout Enigma. Cependant, après ce sommet, plus grand-chose à se mettre sous la dent. Car notre homme, on l'apprendra en 2010 avec l'album Grey Crow, subit alors le contrecoup d'une addiction à la drogue.
Désormais, les belles années d'Eligh sont derrière lui. Malgré des critiques plutôt favorables, Grey Crow n'a pas été pas au niveau des disques précédents, pas plus qu'On Sacred Ground, un album décevant sorti en 2009 par le rappeur avec sa mère, Jo Wilkinson, une chanteuse folk des années 60 et de l'entourage de Pete Seeger. On attendait donc peu de ce nouvel album, Therapy At 3, conçu à l'origine comme un projet annexe, produit par un beatmaker moins talentueux que lui, Amp Live de Zion I, et dont le titre laissait penser qu'Eligh s'épancherait sur ses déboires avec la dope.
Pourtant, cette livraison est une bonne surprise. Depuis les expériences drum'n'bass tentées par Zion I autour de l'an 2000, on sait qu'Amp Live a une oreille rivée sur les sonorités de l'Angleterre post-rave. C'est confirmé cette fois encore, une décennie après, avec une musique très électronique, et qui, dès un solide "First Contact", sied parfaitement au flow rapide d'Eligh. On y retrouve aussi cette atmosphère ouatée, cette musique toute en respirations, qui a tant réussi à Enigma, avec en sus quelques touches organiques (les pianos de "Guides" et "Stop Running"), et des passages rock convaincants (les refrains indie pop de "Ms. Meteor" avec Steve Knight de Flipsyde, de "Ego Killer" avec Inspired Flight, et de "Beautiful Addiction" avec Blake Hazard).
Sur cette musique, Eligh cultive un rap à l'envers : il est introspectif. Il philosophe, il se fait existentialiste ("Guides"), il poursuit sa lutte contre ses démons (le traumatisant "Stethoscope" avec Basik, le splendide "Stop Running"). Et sur deux titres placés en miroir, il revient sur ses addictions, la mauvaise sur le rude "Devil's Medicine", et la seule qui vaille, les femmes, sur le riant "Beautiful Addiction". Enfin, il nous propose des remèdes à ses maux, l'art et la musique, notamment ("Metronome") et… ses tatouages ("Tattoo Song").
Afin que ce ton contemplatif n'endorme pas l'auditeur, Eligh et Amp Live invitent des amis sur des titres plus pêchus : The Grouch et Zumbi, deux compères issus de leurs groupes respectifs, sur "Destination Unknown", Grieves de Rhymesayers sur "Beautiful Addiction", et Busdriver sur un "L.A. Dreamers" très moyen. Soient, pour l'essentiel, des acteurs clés d'un West Coast Underground auquel le revenant Eligh aura peut-être offert, en 2011, son meilleur disque.
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