Dans les premières décennies de l'histoire du hip-hop, on a cru que les rappeurs vieillissaient mal. Qu'ils donnaient tout sur leurs premiers albums, et qu'après, inéluctablement, ils n'étaient plus en mesure de suivre l'allure frénétique à laquelle évoluait leur musique. Mais depuis l'an 2000, cela ne se vérifie plus. Certains vétérans, de nos jours, se montrent toujours fringants. Ils rivalisent sans peine avec les dernières sensations rap découvertes sur le Web, comme l'a démontré le succès critique réservé au huitième album de DJ Quik.
L'homme qui a inventé le g-funk avant même que Dr. Dre n'en devienne le héraut occupe, il est vrai, la position idéale : celle d'un artiste connu et reconnu, mais pas surexposé. L'autre grand beatmaker de Compton a donc les coudées franches pour poursuivre sa route à sa guise, sans pression excessive. Et sur The Book Of David, effectivement, il creuse son sillon habituel, avec le renfort d'une palanquée d'anciens combattants de la scène californienne (Kurupt, Ice Cube, BlaKKazz K.K., Suga Free), de cousins gangsta issus d'autres horizons (Bizzy Bone, Bun B) et d'un chanteur de R&B (Jon B), tous des rescapés d'une époque révolue.
DJ Quik perpétue son hip-hop aux saveurs funk seventies ("Nobody"), ce son ensoleillé qui évoque le climat de son Etat d'origine ("Do Today", "Luv of My Life", "So Compton"), parfois agrémenté de passages plus enlevés (le synthétiseur radieux de "Across The Map"). Il creuse toujours plus loin cette veine très musicale qui lui est caractéristique. Et c'est précisément ce qui lui réussit, surtout quand s'ajoutent à ses instrumentations soyeuses quelques étrangetés sonores à la limite de l'expérimentation, le dialogue entre les percussions et l'orgue de "Fire and Brimstone", par exemple, les flûtes bizarres en arrière-plan de "Boogie Till You Conk Out", ou bien le son atmosphérique du splendide "Poppin'".
Et pour compléter le tout, DJ Quik a gardé le mordant de la jeunesse. Pour preuve ce "Ghetto Rendezvous" où il règle violemment quelques comptes avec sa sœur, et un "Killer Dope" où il s'affirme face à la nouvelle génération. Ces titres complètent idéalement les moments les plus apaisés de l'album, ceux, par exemple, où le rappeur se montre plus love ("Real Women", "Time Stands Still"). Alors bien sûr, tout n'est pas parfait. 70 minutes, c'est bien trop long pour faire mouche à tous les coups. Mais si on enlève ses quelques titres faiblards et superflus, notamment vers la fin, ce disque donne raison, après vingt années de carrière, aux premiers mots que DJ Quik y prononce : "you're going to like this".
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