A Los Angeles, au début de la décennie 90, dans les tréfonds les plus sombres de l'underground hip-hop, sévit un temps un collectif culte appelé Unity Committee. Toutefois, bien vite, celui-ci se sépara en deux nouvelles entités qui, chacune, emprunta un chemin fort différent de l'autre. Le premier de ces deux successeurs, le plus connu, ce fut Jurassic 5, qui s'employa à ressusciter l'esprit festif et insouciant de la old school. Le second, ce fut Darkleaf, qui s'engagea sur la voie d'un rap plus expérimental, plus dérangé, plus noir. Et pour tout dire, supérieur.
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Il y avait du monde, au sein de Darkleaf : pas moins de quatre rappeurs appelés Kemit, Metalogik, Jahli et Longevity, certains également beatmakers à leurs heures, et un DJ, Mixmaster Wolf, membre par ailleurs de Breakestra, du label Stones Throw, soit à peu de chose près le même nombre de membres que Jurassic 5. Mais là était le seul point commun entre les deux groupes. Partout ailleurs, sur F... the People, le groupe offrait un contrepoint parfait à la musique des autres.
Jurassic 5, c'était une bande d'une humeur joyeuse et positive ; Darkleaf préférait philosopher, ils privilégiaient une poésie abstraite, ils adoptaient une posture paranoïaque et nous plongeaient en pleine dystopie. Les joyeux drilles d'en face appréciaient les flows ludiques et les exercices rétros ; ceux-là rappaient d'un seul souffle, hors-beat, façon spoken word. Les premiers étaient des puristes hip-hop ; les seconds se réclamaient de Sun Ra ou de Jimi Hendrix. Nos revivalistes aimaient leurs beats enjoués et sautillants ; les autres optaient pour une production plus épurée, signée Lodge Infinite, faite de scratches lourds, de boucles vénéneuses, d'étrangetés sonores et d'instrumentaux poisseux sur le mode science-fiction.
Et c'était absolument délicieux, dès le beat pesant, les scratches malsains et la guitare hallucinée du fabuleux "Eclectic Storm". Avec ses curiosités parsemées ici et là, avec le beat atmosphérique de "Triple Stages", avec les sitars inquiétants de "Jahlude", avec les cuivres hispaniques de "Sounds of Armageddon", avec ceux d'un hypnotique "Spanish Fly" où s'invitait l'excellent P.E.A.C.E. de Freestyle Fellowship, F... The People s'avérait être un véritable plaisir masochiste.
Ah, et puis il y eut une autre différence majeure entre les deux groupes issus d'Unity Committee. A défaut d'un large succès public, Jurassic 5 eut les honneurs de la critique, quand Darkleaf, au contraire, ne bénéficia ni de l'un, ni de l'autre. Comme bien souvent, les gens se sont trompés de groupe. Les cons. De toutes façons, le titre de cet unique album officiel le disait bien : "fuck the people".
Bon, je te trouve excessivement dur avec les J5 en voulant tordre le bâton dans l'autre sens ("Quality Control", quand même, très chouette album), mais merci pour la découverte, je connaissais pas cette "pré-histoire" ni l'album de Darkleaf et à la première écoute c'est vraiment très très bien!
Pour ce qui est des gens, je peux pas te donner tort :
http://www.youtube.com/watch?v=m0KF...