Julio Francisco Ramos, alias Ceschi, devient tardivement un acteur central de l'indie rap. Basé dans le Connecticut, mais proche du West Coast Underground, il collabore au fil du temps avec des gens aussi divers que Myka 9, Sole, Noah23, Bleubird et K-the-I???, et il fédère plusieurs d'entre eux autour de Fake Four, le label qu'il gère avec son frère David.
Artiste multicarte, aussi à l'aise avec une guitare qu'avec son flow ultrasonique hérité de l'école Project Blowed, il donne avec une facilité confondante, à travers de multiples projets (Anonymous Inc., Toca, Dead by Wednesday, Knuck Feast, Deadpan Darling), dans tous les genres musicaux imaginables : jazz rap, crunk, psyché, synth pop, metal ou folk.
Disponible en 2004, son premier solo, Fake Flowers, démontre ce côté touche-à-tout : il est un patchwork invraisemblable d’idées, de styles et de fantaisies, un mélange de hip-hop, de pop et de plein d’autres choses, bourré de chants mélodieux comme de raps endiablés, entonnés en espagnol autant qu'en anglais. C'est alors un disque plaisant et imaginatif, mais ses airs de foutoir le pénalisent. Le suivant, They Hate Francisco False, corrige cependant ce défaut.
Sur ce disque, Ceschi restreint le spectre. Il limite les thèmes et se concentre sur des propos doux amers inspirés par une histoire d’amour déçue. Et comme pour accompagner ce genre de paroles on n’a jamais trouvé mieux qu’une guitare acoustique et de jolies mélodies chantées, le frère Ramos propose un album fait presque exclusivement de pop rock.
Les raps sont encore là, parfois, avec ce phrasé toujours aussi rapide. Mais ils ne servent que de complément, quand Ceschi souhaite souligner son amertume par un peu de colère et d'emportement. Même chose pour les instruments, des synthétiseurs, un mélodica, des scratches, ainsi que ces cousines de la guitare que sont la mandoline et l'ukulélé, qui épicent un peu les chansons, sans contrarier leur coloration pop.
Et quand je parle de coloration pop, je ne force pas le trait. L’histoire de Francis le délaissé que nous conte Ceschi puise au cœur même du genre : chez les Beatles. Plusieurs titres évoquent les Fab Four, et plus que tout le superbe début tout en mandoline triste et en nostalgie de "Frank Propose".
They Hate Francisco False est rempli de ces courtes mélodies d’une tristesse exquise, qu’il soit question de noyer ses problèmes dans le sommeil ("Sleep", "Tiny Dream"), de déchéance humaine ("Shame"), d’avenir indécis ("Not Sure" avec la charmante Penny), de la mort ("CT Dead", avec un étonnant numéro de chant susurré par Xololanxinxo), de fin du monde (le posse cut "End Of Skies" avec David Ramos, Shoshin et iCON the Mic King), ou du cœur du sujet, cet amour déçu qui inspire l'ensemble de cet album ("Sweetest Friend"), l'un des plus secrets mais des plus précieux de l'année rap 2006. Même s'il n'est pas vraiment fait de rap.
Ouais la chronique est vraiment juste. Plus je l'ecoute, plus je l'aime, donc ne désespérez pas ! Pour ceux qui ont lâché dès la première écoute, reprenez-là !